Set me free

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Secoué par la poésie radicale de Camae Ayewa, Irreversible Entanglements fait à nouveau rimer free jazz et combat politique. Back to the roots…

Le 20 novembre 2014, l’Afro-Américain Akai Gurley, 28 ans, se fait abattre par un flic alors qu’il descend avec sa copine d’une tour HLM de Brooklyn. Le lendemain, le chef de la police de New York reconnaît qu’il s’agissait d’un coup de feu accidentel et que la victime était totalement innocente. C’est lors d’un événement caritatif de protestation (Musicians Against Police Brutality) suscité par cette énième bavure, qu’Irreversible Entanglements a vu le jour en avril 2015. Le saxophoniste Keir Neuringer, qui oeuvre notamment dans l’association Books Through Bars et envoie des livres gratuitement aux personnes incarcérées dans le nord-est des États-Unis, décide de s’y produire avec la poétesse Camae Ayewa (alias Moor Mother) et le bassiste Luke Stewart. Un jeune duo trompette-batterie composé d’Aquiles Navarro et de Tcheser Holmes joue juste après eux. Les dés et les bases d’Irreversible Entanglements sont jetés. Cet enregistrement fiévreux et politisé, ces quatre morceaux libres et engagés sont le fruit de leur première rencontre en quintet. D’une après-midi d’improvisation dans un studio de Brooklyn, le Seizures Palace, le 26 août 2015.

Set me free

Nourri par le climat de plus en plus intolérant et raciste de son époque, Irreversible Entanglements s’inspire de diverses collaborations entre des ensembles free jazz et des poètes. À commencer par le travail du New York Art Quartet avec l’intellectuel, dramaturge, écrivain et essayiste Amiri Baraka. Chantre de la révolte noire américaine contre l’ordre, l’hégémonie et la culture blanche. Dans le jazz d’avant-garde new-yorkais des années 60, Baraka parlait de la rébellion urbaine à Newark et de Black Dada Nihilismus. Camae Ayewa évoque Ferguson et le Black Quantum Futurism…

« Must be, must be trauma looping. It’s always black sunday here… » Titre d’ouverture, totalement improvisé, de l’album, Chicago to Texas n’est pas sans rappeler Matana Roberts avec qui Camae Ayewa a collaboré l’an dernier. Fireworks vit. Fireworks vibre. Et la Moor Mother déclame, éructe. Sorti conjointement par le label punk du New Jersey Don Giovanni et par la maison de disques jazz chicagoane International Anthem, Irreversible Entanglements (« Enchevêtrements irréversibles ») mêle le free aux déclarations contestataires, la liberté de la musique à la virulence du propos. Cet album est un appel radical à la résistance. Il transpire la colère et le chaos et incarne le retour du free jazz sur le champ de bataille. Sur le terrain de la libération noire où il est né il y a presque 60 ans. Pensez Max Roach, Archie Shepp, Gil Scott-Heron aussi… Ce disque, qui se veut révolutionnaire sur tous les fronts, délivre la parole, le corps et l’esprit. Renversant.

Irreversible Entanglements

« Irreversible Entanglements »

Distribué par Don Giovanni/International Anthem. Le 08/04 à l’Ancienne Belgique avec James Holden & The Animal Spirits (BRDCST Festival).

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