Quand Dieudonné invite un négationniste sur la scène du Zénith, YouTube et Dailymotion relaient en masse la douteuse vidéo. Liberté d’expression ou lâcheté numérique?

Cette personne va vous faire grimper aux rideaux (…) Cette personne est un scandale à lui tout seul, je crois que c’est la personne la plus infréquentable de France (…) Dès demain matin, il ne restera de cette soirée que le moment où il est arrivé sur scène. (…) Je vous demande d’applaudir Monsieur Robert Faurisson. » Sous les encouragements de Dieudonné, arrive donc Faurisson, quasi octogénaire, cheveux blancs, costume anthracite. Dieudonné demande alors à un larbin de venir lui remettre  » le prix de l’infréquentabilité et de l’insolence« . Arrive « Jacky » en pyjama bleu frappé d’une étoile de David, du modèle infligé par les nazis aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Mise en scène pitoyable où la liberté d’expression revendiquée par Dieudonné jusque sur la scène du Zénith occulte une réalité autrement noire: Faurisson a été à condamné à plusieurs reprises entre 1981 et 2007 pour contestation de crime contre l’humanité. Autrement dit, il nie la réalité de la Shoah et de ses millions de morts. Au Zénith, Faurisson se montre prudent, évite les lubies ignobles lui ayant valu déjà moult condamnations mais multiplie les sous-entendus sur son statut de penseur supplicié par les médias. N’empêche: Dieudonné sentant un moment son public de spectateurs-moutons fatigué de ce cirque minable, fait chauffer l’orchestre et abrège le discours de Faurisson en embrayant sur un ton foire aux boudins. Négationniste et flonflons, même combat.

Ni morale ni histoire ni mémoire

Sur YouTube, les multiples vidéos de cette soirée du 26 décembre cartonnent: l’une d’entre elles aligne plus de cent mille visiteurs en quatre jours. YouTube est une société californienne qui respecte le premier amendement de la Constitution américaine garantissant une liberté de parole absolue. Par contre, Dailymotion, qui relaie également plusieurs vidéos de Dieudonné au Zénith, est bien une entreprise française: comme telle, elle est soumise à la loi Gayssot qui, depuis 1990, réprime  » tout propos raciste, antisémite ou xénophobe« . Au moment d’écrire ces lignes, le 31 décembre, ni YouTube ni Dailymotion n’ont jugé bon d’ôter les séquences incriminées de leur site. C’est là qu’on comprend la différence essentielle entre un média chaud – une télévision, cadrée par des règles internes et une législation nationale – et ce truc froid incarné par YouTube et Dailymotion. Pour ces dernières, il ne semble y avoir ni morale ni histoire ni mémoire. Dans l’engouffrement des millions de vidéos diffusées et partagées sur YouTube en tout cas, le pire côtoie sans cesse le meilleur. Hitler ou Arcade Fire, le négationnisme ou une vidéo choc semblent être le même hameçon pour amener des spectateurs, donc de la pub. Donc des revenus. On sait qu’en matière idéologique, la neutralité est l’arme préférée de la cupidité, c’est bien ce que YouTube et Dailymotion affichent aujourd’hui comme intégrité morale.

De Philippe Cornet

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