LE VAMPIRISME INSPIRE À NOUVEAU NEIL JORDAN, CINÉASTE IRLANDAIS QUE LE MÉLANGE DE RÉEL ET DE SURNATUREL A TOUJOURS FASCINÉ.
Du sang neuf dans le film de vampires? Beaucoup se sont vantés d’en apporter, peu y sont parvenus. Neil Jordan en injecte efficacement dans son fascinant Byzantium (présenté en avant-première au BIFFF bruxellois), où le mythe du non-mort aux dents acérées se conjugue au féminin et où d’authentiques nouveautés s’offrent au regard, notamment dans une évocation poétique et saisissante du rituel de transformation d’un humain en vampire. Le réalisateur du déjà très réussi Interview With The Vampire connaît évidemment son sujet…
Des vampires, on en a vus tellement à l’écran! Vous avez trouvé un angle neuf pour votre nouveau film…
Je l’espère car il n’y aurait aucun sens pour moi à juste faire un film de vampires de plus! J’ai voulu apporter à Byzantium une authenticité particulière, un sentiment de réalité. Je n’ai pas écrit le scénario (signé Moira Buffini, ndlr), mais il contient de nombreux éléments très intéressants pour moi: le fait que ce soit une très jeune fille qui narre l’histoire, le fait que celle-ci mette en scène deux personnages féminins dont on pourrait penser au départ que ce sont des soeurs et non une mère et sa fille, le fait aussi qu’on puisse y voir une parabole féministe… En fait, l’élément le moins passionnant était qu’il s’agit de vampires!
C’est la deuxième fois, pourtant, que vous en filmez…
Je ne suis pas un grand fan des vampires en général. J’aime le Nosferatu de Murnau, et son remake par Werner Herzog avec Klaus Kinski. J’aime aussi le très intéressant film d’Abel Ferrara The Addiction, et aussi Martin de George A. Romero. Sans oublier Near Dark de Kathryn Bigelow. J’aime les romans d’Anne Rice, dont Interview With The Vampire évidemment.
Par-delà le thème du vampire, votre cinéma est traversé par celui du corps et de ses transformations, du corps sexuel ou du corps nourriture…
C’est ce qu’il y a de plus captivant dans l’idée même du vampire. Le fait qu’il trouve sa subsistance dans la vie d’un autre être. C’est perturbant, effrayant, mais c’est aussi et largement une métaphore… Et vivre durant des centaines d’années! Est-ce qu’on trouverait ça excitant? Ou est-ce qu’au contraire on s’ennuierait? Et puis surtout, que nous ferait le fait d’être à ce point séparé du reste de l’humanité? Cette question-là était déjà celle qui m’a donné l’envie de filmer Interview With The Vampire. Le personnage d’Eleonor, la jeune fille dans Byzantium, étant proche à plus d’un égard du personnage joué par Brad Pitt dans ce film.
Comme toujours dans votre cinéma, une attention particulière est accordée aux lieux, aux décors qui accueillent l’action…
Quand j’ai lu le script, je me suis dit que si je ne trouvais pas les endroits propices, je ne ferais pas le film. Le budget étant très réduit, j’ai dû résister aux tentatives d’économie visant les lieux de tournage. J’ai donc par exemple refusé de filmer dans une ville balnéaire d’Irlande les scènes que je voulais situer à Hastings, un bourg étrange sur la côte sud-ouest de l’Angleterre, un environnement dépressif qui convenait idéalement. C’est en découvrant Hastings que j’ai su que je pourrais faire le film comme je le voyais: fantomatique et propre à hanter le spectateur.
Trouver vos deux interprètes principales a dû aussi conditionner les choses, non?
Oui, car je ne voulais pas me voir imposer, pour quelque raison commerciale, des actrices qui ne seraient pas appropriées. Saoirse Ronan est une merveilleuse interprète, et elle a l’âge du rôle. Vous ne pouvez pas faire jouer une jeune fille de 16 ans par une actrice de 19 ans, parce qu’à cet âge-là, le corps n’est déjà plus le même. Et je voulais donner aux personnages une grande « physicalité ». Gemma Arterton étant pour sa part une force de la nature, sensuelle, incarnant puissamment qui elle joue.
Donner une couleur réaliste était-il également important?
Absolument! Ces vampires-ci peuvent sortir au grand jour, la fille embête sa mère pour aller à l’école (alors que tant d’adolescents préféreraient ne pas y aller!), elles n’ont pas de dents proéminentes. Les seules choses que nous avons conservées de la mythologie du genre est le fait qu’ils vivent éternellement, qu’ils boivent du sang et qu’ils doivent être invités pour pouvoir entrer quelque part. Nous avons inventé plein d’éléments, comme les ongles remplaçant les dents, et surtout le fait qu’on ne devient pas vampire en étant mordu par un vampire, mais en faisant le voyage vers une île étrange, où se déroule un rituel inédit…
RENCONTRE Louis Danvers
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