Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Passage à l’Ouest – Nouveau venu, le Français Sammy Decoster fantasme une Amérique des grands espaces tout au long d’un premier album brillant.

Distribué par Universal.

« S uis-je devenu fou? / Mon c£ur me lâche / dans la nuit / de Tucumcari. «  On ne sait pas encore grand-chose de Sammy Decoster. Une chose est sûre cependant: cela faisait un petit temps que des mots aussi simples n’avaient emmené aussi loin. En l’occurrence, vers l’Amérique profonde, celle des westerns hantés et des villes fantômes. Celle aussi des grandes étendues, et des broussailles qui volent sur la route, qui peuplent l’imaginaire de Sammy Decoster. Actif au sein du groupe Tornado, il pratiquait déjà un folk-rock sous influence US, en anglais dans le texte. Sur son premier album solo, le Français (du Nord, comme son nom peut le laisser deviner) prolonge ce pont entre l’Hexagone et les paysages sauvages de l’Ouest américain, en se concentrant cette fois sur sa langue maternelle. Cela passe par la guitare sèche, ou électrique – qui « slide » et qui « twingue » au moins autant que le banjo -, la contrebasse cow-boy ou encore un orgue qui écume. Cette conquête de l’Ouest pourrait sentir la pose, s’il n’y avait cette maîtrise et cet élan qui tiennent tout entier le disque.

du côté de noir désir

Sammy Decoster cite notamment Elvis Presley comme influence majeure. Il faut oser (qui cite encore Presley de nos jours?). La référence est cependant logique, en raccord avec cette Amérique rêvée. Belle gueule, Decoster peut aussi compter sur un timbre grave qui cherche régulièrement le crooning. Sur Savannah Bay, il n’est pas sans faire penser à Bertrand Cantat, qui se serait débarrassé de certaines affectations trop « Léoferréennes ». Mon Dernier Rêve, sale et abrasif, rappelle également un Noir Désir resserré, qui aurait retrouvé l’impulsivité, Decoster vociférant comme un loup. Pareillement, L’Exil est un autre sommet de rock sec et fiévreux, tendu et habité. En fait, on découvre rapidement un des principaux atouts du disque: même quand la voix surjoue, elle renforce le propos (voir le très « Morriconien » L’homme que je ne suis pas).

Certes, Tucumcari n’est pas sans reproches. Mais les quelques défauts pointés ci et là ne bouchent jamais la vue. Tout au long du disque, c’est bien la sensation d’espace qui domine. De grands espaces, en l’occurrence…

Laurent Hoebrechts

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