
Un sang d’encre. Au travers d’une série inédite de 12 fusains, Michaël Matthys nous fait le coup du noir après le rouge. Aussi fascinant qu’anxiogène.
Galerie Jacques Cerami, 346, route de Philippeville, à 6010 Charleroi. Du 09/01 au 13/02.
Michaël Matthys appartient à cette génération de talents qui pousse la bande dessinée hors de ses gonds. Sous son pinceau, il l’enjoint à s’émanciper. A briser ses chaînes stylistiques. A larguer les amarres de la narration linéaire. Il en a fourni une preuve éclatante en quelques ouvrages et plusieurs expositions. Parmi ses publications, on en retient deux qui livrent les lignes directrices de son travail. L’£il s’arrête d’abord sur Moloch, paru en 2003 aux éditions Frémok. Le sujet de ce vertige graphique n’est autre que ce grand corps à la renverse que constitue la sidérurgie carolo. Monstre incandescent de tôles et d’acier, la sombre usine de Cockerill Sambre polarise toutes les pulsions de mort. Coiffé d’un casque de spéléo – de ceux qui projettent ombres et lumières -, Matthys s’est plu à remuer les entrailles encore chaudes de la bête sur le flanc. Six ans plus tard, il livre le magistral La Ville Rouge. Cette ville, tant natale que tentaculaire, c’est Charleroi. En 156 planches, l’auteur brosse le portrait de cette capitale de la douleur. Pour dessiner les contours de ce périmètre urbain en Pays Noir, Matthys utilise du sang de b£uf qu’il récupère aux abattoirs de Gilly. Ceux qui ont eu la chance d’en voir les planches originales savent combien la coagulation peut faire des miracles. Dans la foulée, il utilise son propre sang pour livrer des autoportraits ou des portraits de proches criants de vie, £uvres que l’on a pu voir lors de l’exposition Tin Town au Musée des Beaux-Arts de Charleroi.
If you want blood…
Pour la nouvelle série qu’il présente à la galerie Jacques Cerami, le plasticien carolorégien a entrepris une nouvelle recherche graphique qui s’inscrit davantage dans la lignée d’un autre de ses albums intitulé Je suis un ange aussi. On oublie le rouge sang au profit du fusain et de son côté obscur. La mort rôde. Running in the dark est à prendre au sens propre. Celui qui pousse Michaël Matthys à courir en forêt dans la nuit et à y avoir des visions. Rien de tel pour raviver des peurs d’enfance. On le sait, le noir absolu possède la propriété d’engendrer des silhouettes étranges. C’est ce potentiel de vision au c£ur de l’obscurité que Matthys a croisé avec des images tirées d’anciens albums de famille. La magie opère: les disparus ressuscitent en cortège à la lisière de l’imaginaire et de la réalité.
www.galeriecerami.be
Michel Verlinden
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