Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Première des trois rafales de rééditions – à nouveau remasterisées – du groupe anglais. Quatre albums, un quasi-chef-d’ouvre et un sucre d’orge dansant.

Il y a un absent de taille dans cette série qui se veut chronologique: Exile On Main Street, la grande pièce bluesy de 1972. On nous la promet après la ressortie de neuf autres disques en juin et juillet. C’est la seconde fois que le catalogue Stones de ces années-là bénéficie d’une réédition massive en CD après une première tentative en 1993 sous la direction du fameux Bob Ludwig. Sans surprise, cette rasade 2009, à nouveau remasterisée, possède une sonorité d’ensemble plus charnue, un virus tonique, qui conserve la dérive visqueuse des guitares noyées de quota blues. C’est l’argument massif de Sticky Fingers (), paru en 1971, celui avec la fameuse pochette/braguette conçue par Warhol, hélas non reproduite en relief, comme l’était l’original. Au-delà des classiques rampants ( Brown Sugar, Wild Horses, Sister Morphine), on trouve un rock fait de saillies brillantes. Les sept minutes quatorze secondes de Can’t You Hear Me Knocking sont impressionnantes, en particulier le solo titanesque de Mick Taylor, prouvant sans peine qu’il est le meilleur guitariste jamais passé par les Stones, Keith inclus . Les Stones de cette année-là ont encore le feu au cul, hypothèse confirmée par Moonlight Mile qui conclut le disque sur les promesses de folle ampleur orchestrale annonçant Exile.

Mick Taylor is rich

C’est dire que l’album suivant, Goats Head Soup (), paru fin août 1973, est attendu. Mais les chansons y sont moins bonnes et le jeu moins inventif. La production se contente de recycler une atmosphère stonienne sans pouvoir la transcender. Il y a des moments inspirés: le slow-scie Angie et davantage, Winter, long blues filandreux où Jagger confronte sa vitalité anormale à celle de Mick Taylor. Mais l’addiction de Richards – en pleine croisade d’héroïne – ralentit l’inspiration globale, privant le disque d’étincelles, jusqu’à l’autoparodie navrante de Star Star. L’analyse peut être réitérée avec It’s Only Rock’n’Roll () nanti de la fameuse couverture de Guy Peellaert montrant les Stones en patriciens triomphants. Enfin pas vraiment: l’album, daté d’octobre 1974, trimballe toujours les mêmes session men (Nicky Hopkins, Billy Preston) mais constitue le dernier legs de Mick Taylor, fatigué de ne jamais être crédité des titres auxquels il contribue pourtant largement. Hormis Fingerprint File, Time Waits For No One et la simplette plage titulaire, les titres ne rentreront pas dans les succès collectifs des Stones. D’autant que le meilleur moment, Ain’t Too Proud To Beg est une reprise métronomique d’un standard soul sixties. On a une petite faiblesse pour Black And Blue () publié au printemps 1976. Il introduit Ronnie Wood comme cinquième Stones même si au final, il côtoie modestement les contributions d’Harvey Mandel et Wayne Perkins. L’album, nourri d’un funk ensoleillé, produit une série de tours de reins très estimables, genre reggae détourné. Le re-remastering constitue ici un bonus véritable, le son clair et tranchant nous faisant même croire que le slow gluant Fool To Cry est un chef-d’£uvre. C’est dire le pouvoir stonien. l

Philippe Cornet

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