Pour des questions de calendrier, Serena Maneesh, groupe noisy souvent comparé à Suicide et Sonic Youth, n’est pas programmé à l’AB dans le cadre de son festival norvégien. Signé sur 4AD, il n’en incarne pas moins avec son intransigeance et son culot la scène rock made in Norway.

On commence seulement à vous connaître en Europe alors que vous existez depuis plus de 10 ans. C’est si compliqué que ça de sortir de Norvège?

Emil Nikolaisen: Pendant toutes ces années, nous nous sommes investis dans énormément de projets. Divers groupes. Diverses obligations. Nous avons travaillé notre son et avons sorti quelques EP’s mais nous n’avons jamais vraiment été au bout des choses. Nous ne nous sentions pas prêts. Pas prêts pour l’étranger. Pas prêts pour un disque. Nous avons sorti notre premier album en 2005. Et c’est à ce moment-là que les choses sérieuses ont commencé.

A ce moment-là aussi que votre s£ur, Hilma, a rejoint le groupe.

Chez les Nikolaisen, nous sommes 7 enfants et 4 d’entre nous font actuellement carrière dans la musique. Nos parents nous ont encouragés. Ils nous ont même construits un local de répétition à la maison. Sans doute aussi parce que maman en avait marre que nous jouions dans la cave et que nous faisions trembler sa cuisine. Quoi qu’il en soit, les potes et les voisins venaient tous faire du bruit chez nous… Mon père est musicien. Il jouait des trucs d’église d’inspiration médiévale. Mais j’ai toujours été fasciné par toutes les musiques. J’ai été batteur dans Silver. Le projet de mon frangin. Une espèce d’Iggy Pop norvégien. Les Dead Kennedys, les Sex Pistols et les Stooges en un. J’ai aussi été derrière les fûts de The Loch Ness Mouse. De la pop psyché à la Television Personalities avec un côté Beach Boys. Puis j’ai joué de la guitare et chanté dans Royal, le groupe de ma s£ur Hilma.

On en oublierait presque Elvira…

Elvira est la pop star de la famille. Elle est très connue en Scandinavie. Elle a déjà remporté 2 disques de platine et c’est le genre d’artiste que tu entends quand tu vas faire tes courses au supermarché ou quand tu allumes MTV. C’est une espèce de Norah Jones norvégienne. Elle a une voix incroyable. Je vais d’ailleurs produire son prochain album. On va même enregistrer une reprise de Dusty Springfield ensemble. Nous nous aidons mutuellement. Dans le temps, j’ai dépensé 20 000 couronnes (2450 euros) avancées par son label, Sony, pour du merchandising Serena Maneesh.

Est-ce que vous avez, en tant que groupe indépendant, pu bénéficier du soutien de l’Etat?

Oui. C’est une vraie tradition. La Norvège a toujours aidé la culture, supporté ses artistes. Et souvent même des artistes qui n’avaient rien de très conventionnels. Quand ils voient que vous intéressez l’étranger, que vous avez un petit potentiel d’exportation, les pouvoirs publics mettent la main au portefeuille. Ils nous ont donné un peu d’argent pour enregistrer, puis pour tourner hors de nos frontières. C’est à la fois encourageant et libérateur. Ça permet aux artistes de se diriger vers ce qu’ils veulent et doivent faire plutôt que d’aller vers quelque chose de plus accessible et donc de plus vendeur. D’autant qu’il y a énormément de salles partout dans le pays. Il est très facile de dégoter des endroits où jouer.

La Norvège est un pays aux racines fondamentalement rock?

J’ai 33 ans. Bientôt 34. Quand j’étais ado, la culture n’était pas encore globalisée comme aujourd’hui. Les nouveaux moyens de communication n’étaient pas aussi développés. Nous devions écouter la radio, lire des magazines et des fanzines pour découvrir de nouvelles choses. Mais ceux qui s’intéressaient à la musique lui vouaient un véritable culte. Ils pouvaient passer des semaines, des mois, sur un artiste voire un album. Ils reniflaient leurs disques, dormaient avec leurs vinyles… Beaucoup, dans le temps, étaient fans de metal. J’ai eu ma période moi aussi. J’ai même joué dans un groupe de death à la Morbid Angel. Il s’agit à mon avis d’un phénomène rural… Nous n’avions pas beaucoup le choix. Soit nous écoutions des trucs cheesy, soit nous devenions des métalleux. Plus c’était extrême et plus ça me plaisait. Heureusement, mon frère m’a sauvé la vie en me faisant découvrir les Ramones, Nirvana et Jesus and Mary Chain.

Serena Maneesh, No 2: Abyss in B Minor, chez 4AD.

Rencontre Julien Broquet, à Oslo

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