Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Bonjour tristesse – Depuis le séminal Rock Bottom paru en 1974, Robert Wyatt a composé une série de disques engagés et rêveurs. Réédition en huit CD d’un univers personnel jazzy-latino-spleen.

Distribué par Munich RecordsPour aimer Robert Wyatt, il faut accepter sa voix, larynx émouvant d’un corps définitivement meurtri lors d’une chute soûlographique d’un ap- partement londonien le 1er juin 1973. Robert a vingt-huit ans et le batteur-chanteur qu’il était jusque-là finira donc sa vie en fauteuil roulant. L’autre élément fondamental de cette réédition, est le jazz qui, chez Wyatt, peut aller jusqu’aux démangeaisons les plus free. Le premier CD réédité est son £uvre majeure, Rock Bottom (1974, ), de fait, son second solo après le discret The End Of An Ear sorti en 1970. A l’unisson du Sea Song d’ouverture, les chansons ressemblent à des cataplasmes de mélancolie, bordées par des marées de claviers et de ch£urs fantomatiques. Un univers où règnent des accords de piano mineurs ( A Last Straw) et des échappées d’enfance contournées par la malignité adulte ( Little Red Riding Hood Hit The Road). Disque assaisonné de grognements bizarres et d’éclats célestes, strictement indémodable puisqu’il semble venir de nulle part. Il est produit par Nick « Pink Floyd » Mason qui ne fait qu’une apparition sur le suivant daté de 1975, Ruth Is Stranger Than Richard ( ), petit cousin de Rock Bottom dans sa facture vaporeuse mais qui, malgré l’apparition de Brian Eno, n’en a pas le brio post-moderne. Nothing Can Stop Us (1982, ) est une compilation de singles, marquée par l’humour noir de Wyatt ( Born Again Cretin) et ses vieilles obsessions crypto-socialistes. Le résultat est inégal mais la grâce porte une ballade funambule ( At Last I Am Free) ou la reprise du classique Caimanera/Guantanamera.

Spleen

Il faut attendre 1985 et Old Rottenhat ( ) pour retrouver un véritable esprit d’album mais l’harmonium triste et les boîtes à rythme maigrichonnes finissent par plomber l’atmosphère. Robert se réveille sur Shleep (1997,), au sortir d’une longue dépression qui pèse sur ses années 90: l’excentricité navigue à vue sur des chansons capables de défier les catégories mais aussi de les embellir ( The Duchess), saisissant au passage le talent de Philip Catherine dans un module de jazz planant ( Maryan) . Réconforté par ces vibrations rafraîchissantes, Wyatt lui conçoit un confrère épanoui ( Dondestan (Revisited), ) où, comme toujours, il partage le travail avec sa femme-complice Alfreda Benge aux textes poético-conscientisés. Le dernier témoignage studio de la réédition est Cuckooland (1998, ), cabaret cool et parfois baroque qui se laisse aller aux vieux fantasmes jazz et latino, sans jamais rejeter le spleen que Wyatt s’injecte à doses massives. Pour ceux qui n’auraient pas compris qu’on escalade le Wyatt comme un col sans fin – mais avec une mousse blanche festive de bière forte – il faut écouter Theatre Royal Drury Lane 8th september 1974 ( ) qui, édité seulement en 2005, certifie qu’en concert, le Wyatt et ses amis (Mike Oldfield, Nick Mason, John Peel…) constituent un irremplaçable zoo de curiosités british.

www.disco-robertwyatt.com

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