Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

OSEZ RAPHAEL – DANS UN LIVE TRÈS ÉLECTRIQUE FILMÉ PAR AUDIARD, RAPHAEL CONFIRME SON STATUT DE PLUS TALENTUEUX HÉRITIER DE BASHUNG.

CD/DVD « RAPHAEL LIVE VU PAR JACQUES AUDIARD »

DISTRIBUÉ PAR EMI.

En juillet dernier, aux Francos spadoises, on se prend Raphael dans la gueule alors que la météo belge archi-maussade douche un public candidement venu pour les tubes. Alors bien sûr, on pressentait déjà le contenu sonique de ce CD/DVD live enregistré fin 2010, dans les 1500 places intimistes de la Coopérative de Mai à Clermont-Ferrand. D’emblée, l’entrée de concert, Terminal2B, fixe un ton raide: la voix claire est percutée par des claviers en fausse marée vagissante et des assauts de guitares distordues. Le tout semble accoucher de toutes les paranos et craintes de la mort que les textes de Raphael ne cessent de téléporter dans des mélodies amies. Parce qu’au passage, les mots de l’auteur de Caravane -de plus en plus métaphoriques- sont d’une qualité très perso, narration à la fois tactile et de grand c£ur saigné. Voilà peut-être la clé du rébus: désormais, en concert, Raphael transvase librement tous ses fantasmes, de l’adoration de Bowie -dont il livre un singulier Modern Love- à celle de son modèle tutélaire qu’est Alain Bashung. Tout en restant raphaélien. Et même raphaélissime.

Un prophète

Non seulement Raphael Haroche, fils d’une famille judéo-argentino-russo-marocaine, va chercher les ombres géniales de Bashung -né de père algérien inconnu, élevé en Alsace- en reprenant majestueusement son Osez Joséphine, mais il en suit aussi certaines audaces musicales. Comme cette guitare qui cloue tous les préjugés au pilori, signée d’un ex-accompagnateur de Bashung -le très inspiré Yann Péchin- ou ce culot de revisiter vigoureusement ses propres standards. Ainsi, Raphael repasse Caravane sous perfusion néo-flamenco ou change intégralement le tempo du spleen cruel de Chanson pour Patrick Dewaere. Il est clair qu’arrivé à Et dans 150 ans et ses accords gitano-existentialistes dégelant la banquise à coups de violoncelle, on a compris que le mec est dans un véritable processus de transfiguration mené de la variété apparente des débuts au néo-rock actuel. Reste le travail visuel de Jacques Audiard sur le concert: l’homme à la pipe, réalisateur de 5 films remarqués -dont l’impressionnant Un prophète- a l’honneur de voir son nom intégré au titre officiel de l’objet et il doit certes aimer Raphael pour l’interviewer aussi franchement. Mais les multi-screens de la réalisation restent en deçà de l’inventivité de la musique. Comme si Audiard peinait -relativement- à capter non pas ce qui se passe sur scène mais dans l’intimité la plus secrète des chansons, ces bibelots parfois opaques joyeusement réinventés par leur géniteur. l

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