Underground USA – Avec Ralph Bakshi, le dessin animé est entré dans l’âge adulte. Une passionnante monographie abondamment illustrée retrace son parcours.

De John M. Gibson et Chris McDonnell. Seuil. 264 pages.Sorti en 1972, à une époque où les productions Disney dominaient le paysage du dessin animé, Fritz the Cat, le premier long métrage du cinéaste américain Ralph Bakshi, fit l’effet d’une bombe. Jusque-là domaine réservé des enfants, l’animation entrait en terres inconnues, celles de la contre-culture, où la propulsait cette adaptation de la BD culte de Robert Crumb. Véritable ovni underground, le film fut aussi, incidemment, le premier dessin animé classé X à sa sortie.

Ce seul coup d’éclat aurait pu valoir à Bakshi son passeport pour la postérité. L’artiste n’allait pas s’arrêter là, s’employant, des années durant, et film après film, à faire souffler sur l’animation un vent de liberté frondeuse, qu’il s’agisse de la faire respirer au rythme de la réalité de la rue new-yorkaise ( Coonskin), ou de réinventer le fantastique à l’écran – il adaptera, notamment, le Lord of the Rings de Tolkien. Le tout, assorti d’une recherche plastique systématique, pendant naturel de l’audace du ton – qui dit Bakshi pense, inévitablement, sexe, drogue, violence et autres composantes plus ou moins sulfureuses; rien à voir, en tout état de cause, avec la conception classique de l’animation comme divertissement profilé tous publics.

C’est ce parcours unique et à l’abri des concessions que s’emploie à retracer Ralph Bakshi: un rebelle du dessin animé, la première monographie consacrée à un artiste funky qui, non content de s’être érigé en figure majeure de l’animation américaine des années 70, n’a pas cessé d’exercer une influence indéniable sur une large descendance.

Déluge créatif Le voyage débute à Brownsville, Brook-lyn, où grandit Bakshi dans les années 40, pour ensuite promener le lecteur au gré de son parcours, éclairant, avec force commentaires de l’artiste, aussi bien ses débuts, et ses premiers faits d’armes au sein de Terrytoons, que les circonstances, parfois rocambolesques, qui l’amèneront à voler de ses propres ailes. Pour déboucher, avec les années 70, sur un déluge créatif sans limites. De Fritz the Cat, son premier long métrage, à la série Super Souris, en passant par American Pop et autre Wizards, la filmographie de Bakshi est ici passée au crible. Une analyse complète, qui va des circonstances et conditions de réalisation de chaque film, aux expérimentations graphiques de l’auteur – à titre d’exemple, celui-ci mêla prises de vue réelles et dessins dès Heavy Traffic, en 1973. Et qui convoque, à l’occasion, des invités surprises: les Stones, pour qui il réalisa le clip de Harlem Shuffle; Brad Pitt et Kim Basinger, qui prêtent leurs traits à des personnages de Cool World, en 1992, ou encore Harvey Keitel, au c£ur de sa vision de l’Amérique dans This Ain’t Bebop. Des centaines de croquis, dessins, celluloïds, esquisses, dont certains inédits, complètent ce panorama de l’£uvre d’un artiste à la fois visionnaire et farouchement indépendant, qui se consacre désormais à la peinture. On ne saurait donc mieux dire que Quentin Tarantino dans sa préface: « cet ouvrage sérieux sur un artiste satirique qu’absolument rien ne peut effrayer est extrêmement bienvenu. »

www.ralphbakshi.com

Jean-François Pluijgers

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