IMPROBABLE SOSIE DE DAVE PÉRIODE VANINA DANS LE POTICHE DE FRANÇOIS OZON, JÉRÉMIE RENIER REVÊT AUJOURD’HUI LES HABITS DE LUMIÈRE DE CLAUDE FRANÇOIS DANS UN BIOPIC MOINS LISSE QU’ATTENDU. LE KITSCH LUI VA SI BIEN.

Du karaoké miteux où, en bon baraki sérésien, il s’époumonait, banane aux lèvres, aux côtés d’Olivier Gourmet le temps du Siffler sur la colline de Joe Dassin dans La Promesse des frères Dardenne (1996) aux tours de chants hyper rodés d’un Claude François provoquant l’hystérie généralisée par parterres entiers de jeunes filles énamourées dans Cloclo, il y a un monde. Que Jérémie Renier, 31 ans, a su apprivoiser, étape par étape, au fil d’un parcours pas loin d’être exemplaire, qui l’a conduit du cinéma de Bertrand Bonello ( Le Pornographe, en 2001) à celui de François Ozon ( Potiche, en 2010, mais déjà Les Amants criminels, en 1999), en passant par Joachim Lafosse ( Nue Propriété, en 2006) ou encore Olivier Assayas ( L’Heure d’été, en 2008).

Jérémie Renier en Claude François? Il y a là, à dire vrai, comme une évidence, qui n’a d’ailleurs pas attendu le projet porté par Florent Emilio Siri aujourd’hui pour flotter dans l’air. Au début des années 2000, en effet, Antoine de Caunes contacte Claude François junior et Marc François, les 2 blonds fistons de la star, et leur parle d’un biopic dans lequel il verrait bien un jeune acteur belge alors en pleine ascension.  » Oui il en a été question mais le projet ne s’est jamais monté, et d’ailleurs je n’ai jamais rien lu de concret à l’époque, précise Renier. Mais disons que ça a éveillé ma curiosité à Claude François. Parce qu’avant ça, l’idée de l’incarner ne m’avait même jamais effleuré. J’ai commencé à regarder deux, trois trucs sur lui, sans non plus me plonger complètement dedans, mais il est resté comme une petite lampe au-dessus de ma tête, je me disais que ce serait quand même chouette que ce projet se concrétise d’une manière ou d’une autre. Jusqu’au jour où Cyril Colbeau-Justin, le futur producteur de Cloclo , est venu me trouver…  »

Jusque-là peu sensible aux faits d’armes du chanteur du Téléphone pleure – » bien sûr on a tous entendu du Claude François en boîte, et dansé dessus pour déconner« -, Jérémie Renier découvre alors, derrière le masque figé et le sourire étudié de la vedette en mousse, une personnalité éminemment plus complexe qu’il ne se l’était figurée, businessman à la maniaquerie quasi pathologique partagé entre ses aspirations de premier communiant cucul la praline et une intransigeance confinant à la tyrannie pure et simple. Entre la fragilité bien réelle d’un éternel mal aimé et l’ego trip jaloux d’un monstre de détermination.  » J’avais en tête un personnage un peu lisse, blond, chanteur de variété pour petites midinettes. Je n’imaginais pas un seul instant un personnage aussi riche, aussi particulier, derrière son image en papier glacé. Pareil pour Florent, le réalisateur, qui, comme moi, connaissait très mal Claude François avant d’être contacté pour le projet. Plus on rentrait dans le film, dans sa préparation, et plus on le trouvait fascinant. A un moment, on en est arrivés à se dire: « Putain mais ce gars est incroyable! » »

Perfectionniste et speedé

S’agissant de préparation, le film en impliquait une pas piquée des hannetons, justement, et Jérémie Renier de se lancer, 5 mois durant, dans un entraînement spécifique, entouré de coachs divers: pour la voix, les percus, la danse, le chant… Un investissement total afin de devenir physiquement Claude François, assimiler sa façon deparler, de bouger, saisir son tempo, son attitude, aidé en cela par quelque 80 costumes sur mesure, le maquillage, les perruques… Au final, bien au-delà du simple mimétisme, il est vrai confondant, le Bruxellois semble véritablement capter quelque chose de l’âme du chanteur populaire.  » Un personnage comme ça, c’est un vrai cadeau pour un acteur, outre la performance physique ou sa success story, parce qu’il s’agit de quelqu’un avec un caractère compliqué, sensible, écorché, qui doute, qui est en contradiction, qui passe par tellement de choses. Qui était pris d’une frénésie aussi. Le mot d’ordre sur le plateau, c’était tout le temps d’y aller à fond, comme Claude François, qui était speedé, et perfectionniste. On a tout fait dans cet esprit-là.  »

Une dynamique de la vitesse, façon grand huit permanent, irriguant les nombreux épisodes d’un film réellement survolté mais qui, à défaut de toujours éviter le côté appliqué du biopic classique, a toutefois le bon goût de ne jamais verser dans l’outrance.  » Il fallait faire attention de ne pas déborder. Comme il s’agit d’un personnage haut en couleur, on peut vite tomber dans un cliché, et faire quelque chose d’excessif. Il fallait être vigilant, notamment par rapport aux costumes ou aux coupes de cheveux. On a même essayé des coupes que Claude avait vraiment eues, avant de se dire: « Mouais, c’est un peu too much, quoi. » (rires) Il y avait un juste milieu à trouver, ne pas tomber dans la caricature et en même temps le faire exister tel qu’il était.  »

D’où ce sentiment, peut-être, que, du cinéma d’auteur pur et dur des Dardenne à ce véritable blockbuster à la française, Jérémie Renier reste fidèle à lui-même, acteur caméléon n’aimant rien d’autre que se fondre dans la peau d’un autre: promesse tenue, donc. Nul doute en tout cas que ce Cloclo, de loin sa plus grosse production en tant que premier rôle à ce jour, devrait lui ouvrir des portes grandes comme celles du moulin de Dannemois. Même si, pour l’heure, les projets ne sont pas du genre à manquer.  » Dans la foulée de Cloclo , j’ai tournéElefante Blanco , le nouveau film de Pablo Trapero (réalisateur argentin à qui l’on doit notamment Leonera, ou encore le récent et formidable Carancho, ndlr) , aux côtés de Ricardo Darin. L’histoire de 2 prêtres travaillant dans les bidonvilles de Buenos Aires, l’un quelque peu old school et l’autre plus jeune et révolté par rapport au milieu ecclésiastique, aux cartels de drogue et à la politique qui règnent dans ces bidonvilles. Sinon, depuis 2 ans, on écrit un scénario qu’on va réaliser ensemble avec mon frère. Vu nos emplois du temps un peu compliqués, on a dû se donner une deadline et là on s’est remis à écrire avec une scénariste. On s’éclate beaucoup, il y a forcément une résonance avec ce qu’on a vécu et ce qu’on vit tous les 2 mais le film va beaucoup plus loin… »

RENCONTRE NICOLAS CLÉMENT

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