Entre la sortie DVD d’un docu sur ses épanchements psychanalytiques, un biopic en préparation et une vidéo qui fait buzz sur le Net, Marilyn Monroe est croquée à la sauce scénique par l’Infini Théâtre.

Marilyn, c’est un peu comme Elvis. Elle n’est pas morte pour de bon. On la côtoie partout. Sur le fameux portrait que Warhol lui a consacré, et qui est probablement, dans sa version poster, l’article le plus vendu des boutiques de déco pop du monde entier – avec le buste en plâtre de Betty Boop. Sur des poubelles, des briquets, comme portemanteau dans des magasins de fringues… Tout juste si on ne se mouche pas dans des kleenex à son effigie. On le doit aux ayants droit de la star, qui ne la connaissaient même pas et ne se privent donc pas de l’accommoder à toutes les sauces. Or, chose étrange, le cinéma ne s’était pas encore emparé de l’icône sensuelle. Ce sera chose faite en 2010, dit-on, avec l’adaptation du bouquin de Colin Clark, My week with Marilyn, par le réalisateur de séries télé Simon Curtis. Dans le rôle-titre, on devrait y retrouver Michelle Williams, qui aurait damé le pion à la plus (trop?) évidente des Marilyn, Scarlett Johansson. Près de 50 ans se seront écoulés entre la mort de Norma Jeane Mortenson et le premier récit posthume sur grand écran de sa vie, son £uvre. La faute à quoi? A l’aura paralysante de la star? Au manque d’interprètes féminines capables d’endosser le costume?

En tout cas, à Bruxelles, il y en a une qui s’est plongée dans la peau de Marilyn avec bonheur. France Bastoen est Marilyn dans No Body Else, une création de Dominique Serron pour l’Infini Théâtre. « Ce n’est pas une imitation », prévient l’auteure et metteuse en scène. « C’est plutôt comme si Marilyn traversait France. »

Bombe platine

Pour y parvenir, la comédienne s’est pliée à un rite initiatique plutôt particulier – c’est qu’on ne s’attaque pas sans un minimum de précautions à la plus fascinante figure féminine de tous les temps. Première étape: la séance photo. Avec perruque platine, poses suggestives, regard de femme-enfant émanant d’un corps de femme-femme. Second stade: la décoloration capillaire. Parce que la perruque ne suffisait pas. Qu’il manquait la peroxydation « comme émotion féminine », confie la comédienne, ex-brune incendiaire.  » Ce que les gens me renvoient désormais est différent, on me dit que ça exacerbe ma féminité, et que ça me donne un côté, disons… léger. » Troisième phase: le voyage d’étude en Californie, pèlerinage sur les traces de la tentatrice de Sept ans de réflexion. Sur place, la totale: la visite de ses demeures, la rencontre avec son fan club ( « On s’attendait à quelque chose de kitsch, mais on a trouvé des gens passionnés, avec un grand respect de l’artiste qu’elle était », raconte Dominique Serron)… Et l’entrevue avec Sylvia, la coiffeuse de Marilyn, celle qui, en lui offrant ce blond blanc, irréel, a fait d’elle un fantasme absolu, bien plus que tout le reste. Une petite vieille, sur son lit de mort, presque inconsciente. Qui s’est levée d’un bond pour asséner à la belge comédienne que ses cheveux, « ça n’allait pas du tout, qu’ils étaient abîmés! » (rires)

« Ce voyage était nécessaire pour nourrir la création », explique l’auteure. « Il m’a aidée pour l’écriture. Le texte est venu très vite, ensuite. «  Un texte dont la puissance va crescendo, comme la performance de France Bastoen, époustouflant reflet de Marilyn, silhouette pulpeuse, peau laiteuse, grands yeux mouillés de petite fille triste, casque platine, et surprenant talent de danseuse et de chanteuse. Elle débute le récit quelques instants avant la mort de l’actrice, au moment où celle-ci perd pied, oscillant entre animalité, désespoir et sensualité extrême. Suit un maelström de souvenirs et de projections, durant lequel la poupée désarticulée ne parle plus d’elle qu’à la deuxième et troisième personne, un procédé qui permet une distance propice à la dissection d’un mythe. No Body Else est un spectacle mosaïque, qui réserve des scènes d’une incroyable intensité. Une fiction qui souffle avec grâce sur les braises de celle qui vécut sa vie comme une « candle in the wind ».

No Body Else. De Dominique Serron, avec France Bastoen. Du 7 au 16 janvier 2010à 20.30 au Théâtre Molière, à Bruxelles.

www.infinitheatre.be

Texte Myriam Leroy

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