ROB EPSTEIN ET JEFFREY FRIEDMAN CÉLÈBRENT DANS HOWL L’OUVRE FULGURANTE DU JEUNE ALLEN GINSBERG, POÈTE TRAÎNÉ DEVANT LA JUSTICE, DANS LES ANNÉES 50, POUR L’AUDACE D’UN TEXTE GÉNIAL.

A San Francisco, en 1957, un procès pas tout à fait comme les autres vit un jeune poète être attaqué pour obscénité. Il s’appelait Allen Ginsberg, et l’objet du délit était son poème fleuve Howl, un chef-d’£uvre aux accents (homo)sexuels propres à défier les tabous d’une société puritaine. Rob Epstein et Jeffrey Friedman recréent ce procès capital pour la reconnaissance de la liberté d’expression artistique. Le tandem de documentaristes avait déjà signé le passionnant The Celluloid Closet (sur l’évocation des gays et lesbiennes dans le cinéma hollywoodien), Epstein réalisant le non moins captivant The Times Of Harvey Milk (sur l’assassinat du premier élu ouvertement homosexuel en Californie) avant que les 2 hommes n’entament une collaboration qui les mène aujourd’hui à Howl.

 » Nous voulions faire un film sur le poème, en resituant celui-ci dans le contexte de l’époque, en essayant de comprendre comment il a pu naître alors, et pourquoi il est toujours autant lu aujourd’hui« , explique Rob Epstein. Les 2 réalisateurs savaient, depuis l’origine du projet, qu’il fallait  » donner vie au poème lui-même, sous une forme ou une autre« . De ce désir sont venues l’idée de filmer une lecture publique de Howl par Ginsberg (joué par James Franco), et celle de confier à un dessinateur (Eric Drooker) la mise en images animées d’extraits du poème.  » Une performance, dans une galerie de San Francisco fut, dans la réalité, la toute première révélation publique du poème, poursuit Epstein, quant à l’animation, Drooker a lui-même travaillé avec Ginsberg -sur le livre Illuminated Poems – et était le mieux placé pour rêver des images que Carter Burwell(1) a ensuite tapissées de musique.  »

 » L’artistique, l’intime, l’émotionnel, sont inséparables dans le processus qui a engendréHowl, commente Jeffrey Friedman: l’homme Ginsberg, son vécu, ses fantasmes, sont dans son poème, qui est pur jaillissement! » Mais par-delà cet aspect biographique, le film se devait d’envisager  » l’impact qu’a eu ce texte sur la société, à travers le procès qu’a déclenché sa publication, et au cours duquel s’est bien exprimé l’inconfort de l’Amérique des fifties devant une création aussi radicale.  »

De James Dean à Allen Ginsberg

C’est Bob Rosenthal, ancien secrétaire de Ginsberg, qui appela le tandem pour leur proposer l’idée d’un film autour de Howl. Il connaissait bien le travail d’Epstein et Friedman, et envisageait au départ un documentaire.  » Nous aussi avons d’abord cherché dans cette direction, se souvient Jeffrey Friedman, mais nous nous sommes très vite heurtés à une évidence: il n’existe aucune image filmée d’Allen à cette époque, ni non plus d’aucun des autres membres de la Beat generation comme Kerouac ou Cassady. C’est donc par nécessité que nous sommes sortis du cadre documentaire pour expérimenter d’autres formes. » Pour incarner un Ginsberg  » qu’il fallait montrer en pleine jeunesse, au présent absolu que permet le cinéma« , les réalisateurs ont jeté leur dévolu sur James Franco. Celui qu’on a pu récemment apprécier dans 127 hours et Rise Of The Planet Of The Apes est poète à ses heures, et admirateur de la Beat generation.  » C’est Gus Van Sant qui nous l’a présenté, explique Rob Epstein, et le choisir fut vite une évidence: il a l’âge qu’Allen avait au moment d’écrire Howl , il est passionné de littérature, et c’est un artiste au plus profond de lui-même, en plus d’être un formidable acteur.  » Franco était idéalement à même de présenter Ginsberg  » comme un jeune homme vibrant de passion, loin de l’image de l’âge mûr qui est la plus connue des gens« . Il avait aussi  » cette présence incroyable, qualité dont toutes les personnes qui ont approché Allen font l’éloge, en même temps qu’ils parlent de son immense générosité« , déclare Jeffrey Friedman, qui avait été marqué par la performance de l’acteur en jeune James Dean dans un téléfilm de 2001.

Entre le coup de fil de Bob Rosenthal et la présentation de Howl au Festival de Berlin, en février 2010, 8 ans ont passé, que le duo de cinéastes a mis à profit pour multiplier -tout en travaillant sur d’autres films- les recherches, et laisser  » décanter un projet qui a progressivement, comme organiquement, pris forme, y compris sa structure narrative très particulière, où nous voulions relier parties du poème et expériences personnelles, épisodes de la vie, de son auteur« . Le but premier du film, insistent les réalisateurs, est  » de transmettre à une nouvelle génération l’impact d’une £uvre capitale, qui a changé la poésie mais aussi la société, une £uvre qui prend son lecteur par tous les sens, en plus de l’interpeller intellectuellement« . Et Jeffrey Friedman de conclure: « Le poème existera toujours, et sera toujours ouvert à l’interprétation de chacun. Notre film offre modestement une mise en contexte, et une interprétation visuelle possible, à travers une approche non pas littérale mais tendant vers des images abstraites. C’est à chaque lecteur de s’approprier le poème, de le réinventer à travers lui-même. » l

(1) BURWELL EST LE COMPOSITEUR ATTITRÉ DES FRÈRES COEN.

LE SITE WEB DE LA COMPAGNIE DE PRODUCTION D’EPSTEIN ET FRIEDMAN: HTTP://WWW.TELLINGPICTURES.COM/

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