Pleines de grâce

Qüity, journaliste spécialisée en faits divers à Buenos Aires, et Dani, fonctionnaire du service des renseignements qui aime prendre des photos d’aura, se rendent un jour à La villa. On leur a raconté que la tenancière des lieux, la travestie Cleopatra, s’est rangée des passes depuis qu’elle a vu la Vierge Marie et cherche à organiser un tiers-lieu viable pour tous les marlous d’El Poso, bidonville local. La reporter sent qu’elle tient là le sujet qui va la sortir de l’ornière. Mais il se pourrait qu’elle se laisse happer par le tourbillon humain que crée cet endroit… Comme le faisait Les Argonautes de Maggie Nelson dans le domaine de la non-fiction, ce premier roman remarqué redéfinit d’un Ensemble, c’est tout pétulant les frontières de ces nouvelles familles qu’on se choisit: chaotiques et queer, unies dans les galères qui impliquent jusqu’à piétiner les limites de la légalité, se barrer dans un bunker à Miami ou encore composer à sa singulière façon avec Dieu, une Marie volontiers boudeuse et tous leurs saints. Traduite par l’excellent Guillaume Contré, Gabriela Cabezón Cámara n’a pas l’intention d’avoir sa langue, truffée de références de tous registres, dans sa poche. Pleines de grâce, baroque et à la verve de sulfateuse tendre, est la geste des laissés-pour-compte de la société argentine, qui n’ont pas peur de faire imploser le moule et ne veulent plus se faire écraser sans riposter. Pour tous ceux-là aussi, désormais, la littérature doit se mettre debout… Au risque que la défaite soit malgré tout au bout du chemin.

De Gabriela Cabezón Cámara, Éditions de l’Ogre, traduit de l’espagnol (Argentine) par Guillaume Contré, 208 pages.

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