AVEC MONSIEUR LAZHAR, LE RÉALISATEUR QUÉBÉCOIS MÊLE JOLIMENT LES THÉMATIQUES DE L’IMMIGRATION ET DE L’ÉDUCATION.

Philippe Falardeau, on l’a découvert il y a quelques années déjà, à la faveur de Congorama, où il envoyait Olivier Gourmet au Québec à la recherche de son identité, en un périple ouvrant sur une mosaïque de thématiques. Un film singulier, à l’image du parcours de son auteur: le cinéma, le réalisateur québécois y est venu par accident, pour ainsi dire. Etudiant en relations internationales, il pose sa candidature à l’émission La course destination monde, de Radio-Canada, qui expédie chaque année des vidéastes amateurs réaliser une série de reportages autour du monde. L’expérience l’envoie du Guatemala au Burundi, et lui ouvre les portes de l’Office du film du Canada en qualité de documentariste. A partir de l’an 2000 et La Moitié gauche du frigo, c’est toutefois vers la fiction que se dirige Falardeau. Ainsi encore pour Monsieur Lazhar ( critique dans Focus de la semaine dernière), son 4e long métrage, inspiré de la pièce Bachir Lazhar d’Evelyne de la Cheneliere. « Je cherchais depuis longtemps une façon d’aborder la thématique de l’immigration au cinéma, mais ne parvenais pas à me soustraire à un certain didactisme. Et là, je me suis trouvé en présence d’un personnage d’immigrant dont le drame allait au-delà de son statut, avec une richesse qui en faisait un personnage complexe. » Les réticences de la dramaturge vaincues -elle redoutait un film « bon enfant »-, Falardeau se met au travail, commençant par élargir le cadre de ce qui était à l’origine une pièce solo.

Un acte de résistance

Au c£ur de Monsieur Lazhar, il y a une classe d’école, dont les élèves ont été traumatisés par le suicide de leur institutrice. Enseignant originaire d’Algérie et demandeur d’asile, Bachir Lazhar est engagé pour remplacer la défunte. Tandis qu’il s’emploie à accompagner les enfants dans un délicat processus de guérison, nul ne soupçonne qu’il est lui-même hanté par une tragédie, à laquelle se superpose un risque d’expulsion bien réel. Falardeau ne s’arrête pas au seul choc culturel, qu’il explore non sans humour (im)pertinent, d’ailleurs. Il brasse, à l’abri du manichéisme et du didactisme tant redoutés, un faisceau de thématiques diverses, de la question de l’immigration à celle du deuil en passant par l’équation, non moins brûlante, de l’éducation. « Mon film est un polaroïd d’un système à un moment donné », observe un réalisateur qui a le chic pour aborder, presque sans avoir l’air d’y toucher, mais pas sans acuité pour autant, les sujets les plus sensibles. Ainsi lorsque son film observe que « les enfants, il faut désormais les traiter comme des résidus radioactifs », écho à la codification régissant les rapports adultes-enfants dans des sociétés toujours plus gouvernées par la peur. A quoi il oppose le rempart de la parole et de l’éducation. « L’acte d’enseignement est un acte de résistance aujourd’hui. » Ce dont son film apporte la fort humaine et séduisante démonstration. l

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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