Eternel blues – Peter Green fut l’égal de Clapton, mettant au cour du Londres sixties, un british blues que personne n’avait jamais fait sonner comme lui.
« The Anthology- 4CD Deluxe Box Set »
DistribuÉ par Pias.Sur la pochette du box, Peter Green ressemble à Jésus. Comme lui, il est juif et barbu, comme lui encore, avant de ressusciter, il a été crucifié parce qu’il croyait trop à sa religion. Celle de Green a toujours été le blues. En soixante-quatre titres glanés en près de quarante ans d’enregistrement, se dessine l’extraordinaire histoire d’un inventeur musical qui transforme un genre supposé archaïque en rock scintillant, cagneux, moderne.
Le parcours de Green débute dans les clubs galeux de Londres alors que la beatlemania est à son comble: 1967, sous les ordres claniques du pionnier John Mayall, il remplace Clapton parti fonder Cream et conjugue à la six cordes, « le » truc gluant importé d’Amérique. Dans le jeu de Green, se trouve une virtuosité d’un naturel spatial qui décolle les alluvions de la carcasse fatiguée du vieux blues. Sa guitare et sa voix produisent une autre façon de raconter les mêmes histoires déchirées: tout aussi réelle mais dopée par des envolées et un lyrisme inédits. Sans faire dans la métaphore mystico-fumiste, il suffit d’entendre, au hasard, The Supernatural, joué avec les Bluesbreakers, pour saisir le toucher de Green, sa fluidité instantanée qui n’empêche pas une mercuriale grandeur.
Son talent lui fait rencontrer une brochette de musiciens avec lesquels il fonde Fleetwood Mac: c’est évidemment le groupe de sa vie. Celui-ci occupe logiquement plus du tiers de ce coffret avec une vingtaine de chansons bookées entre 1967 et 1970. Pour ce Mac première version (1), Green écrit une série de chansons absolument emblématiques: en 1968, Albatross et Black Magic Woman (tube mondial pour Santana deux ans plus tard), le somptueux Man Of the World en 1969 et le titre qui définit le Mac comme le plus important combo de son époque, The Green Manalishi, sorti en 1970.
DÉchÉance
Perturbé par l’absorption de LSD, bientôt diagnostiqué schizophrène, Green quitte le Mac à l’été 1970 et commence une autre vie, nettement plus marginale. Huit années passent entre jobs mineurs – dont celui de fossoyeur – et séjours psychiatriques, avant un premier retour fin des seventies, le talent guitaristique entier. Après un autre épisode désespéré qui aboutit à six années erratiques de clochard reclus entre 1984 et 1990 – il refuse de toucher les royalties du Mac -, Peter Green fonde le Splinter Group dont le box présente une douzaine de titres. Si l’allure bab’ épaissie remplace désormais celle de Christ filiforme, la voix est toujours aussi tendrement rauque – pas si loin du registre Mark Knopfler – et les capacités à émouvoir la guitare, strictement intactes. Il est rare d’entendre des musiques qui, de 1967 à 2005, possèdent la même trempe émotionnelle.
(1) Fleetwood Mac connaÎtra d’incessants changements de musiciens jusqu’en 1975, annÉe oÙ il renoue avec un succÈs mondial, devenant, jusqu’À aujourd’hui, l’emblÈme du rock FM californien…
www.fleetwoodmac.net/penguin/peter.htm
Philippe Cornet
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