Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

L’heure de Peter – Clean (ou presque), Peter Doherty sort son premier album solo. Et remet la question artistique au centre du jeu. Bien vu.

« Grace/Wasteland »

Distribué par EMI. En concert le 2 mai, au Polsslag, à Hasselt.Jusqu’à quel point un artiste peut-il disparaître derrière sa figure médiatique? Ces dernières années, Pete Doherty a dû plus d’une fois se poser la question.

Avec les Libertines, il donnait un bon coup de pied dans la fourmilière musicale anglaise: la fulgurance, les excès, l’énergie étaient remis à l’ordre du jour. Ce n’était pas plus mal. Mais dans la foulée, Doherty se transformera aussi en icône junkie d’abord; mode ensuite – son aventure avec Kate Moss, sa collaboration avec Heidi Slimane. Musique, drogues, et top model: les ingrédients parfaits pour asseoir son statut (sa caricature?) de tabloïd rocker, toujours entre deux cures de désintox. A ce petit jeu-là, ces dernières années, seule sa camarade de seringue Amy Winehouse a pu lui faire de l’ombre dans les magazines people. La défonce se serait voulue « romantique » qu’elle passe surtout pour pathétique.

Et puis il y a un problème: tout le monde a suivi les déboires du bonhomme. Mais ses chansons? Les deux albums des Babyshambles, qui ont succédé à ceux des Libertines, ont rarement été à la hauteur du crédit que beaucoup accordent au bonhomme.

Dans le rang

Qu’attendre dès lors de ce premier album solo? Quel nouveau visage allait-il montrer? Après tout, les Babyshambles n’ont jamais été autre chose que le groupe formé autour et pour Doherty. D’ailleurs, ses membres n’ont pas complètement déserté les sessions d’enregistrement de ce Grace/Wasteland. Doherty allait-il pouvoir vraiment amener autre chose, à part ce « r » rajouté, ou plutôt rétabli, à la fin de son prénom?

Le premier morceau du disque, Arcady, ne bouleverse pas foncièrement la donne: on y retrouve cette voix typiquement déliée, les racines skiffle, et une thématique déjà souvent exploitée – celle du jardin d’Eden, contrée utopique où l’on trouverait des « seraphic pipes along the way ». La suite s’avère cependant plus inédite. Last Of The English Roses se traîne par exemple au gré d’un mélodica paresseux et d’un beat organique: on peut penser parfois aux ambiances de Gorillaz, le projet de Damon Albarn. C’est pourtant un autre compère de Blur, Graham Coxon, qui est venu mettre son grain de sel. De leur côté, 1939 Returning ou Salome voient débouler des cordes sixties. Régulièrement repéré à Paris, Doherty serait-il retombé sur l’£uvre de Gainsbourg? Mais la vraie évolution est ailleurs: mieux cadré, Doherty laisse plus de place à ses chansons. Cela ne les fait pas pour autant rentrer dans le rang. Pas plus qu’elles ne consacrent son auteur au rang de génie, aussi convaincantes soient-elles – et elles le sont sur au moins deux tiers de l’album. Au minimum, elles lui offrent une porte de sortie. La possibilité d’échapper à la posture un peu stérile de la déglingue rock’n’roll. Qui l’aurait cru? l

www.myspace.com/gracewastelands

Laurent Hoebrechts

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