Serpent à sornettes – Keita Takahashi, l’auteur indie nippon de Katamari Damaci, brouille à nouveau les pistes avec Noby Noby Boy. Une sorte de snake expérimental gorgé de mystères.
Édité et développé par Namco Bandai, âge NC, disponible sur PS 3 en téléchargement payant via le PlayStation Network ce premier trimestre 2009.
Il y a dix ans, les principaux éditeurs de jeux vidéo nippons auraient probablement claqué la porte au nez de Keita Takahashi. Les temps changent. Et à la faveur du Net, Nintendo, Microsoft et Sony ouvrent depuis un an leurs consoles mainstream à des projets indé barrés et divergents. A la faveur de ce mouvement, le géant de l’édition vidéoludique Namco Bandai vient à nouveau de signer Takahashi pour Noby Noby Boy, un projet attendu ce mois-ci sur PlayStation 3. Si ce titre se profile comme l’événement indie de ce début d’année, c’est que son auteur a déjà commis Katamari Damaci, le premier (le seul?) jeu vidéo indie sur PlayStation 2. Rappel des faits: le joueur parcourt des cités et dirige une boule qui aimante les objets qui se trouvent sur son chemin, pour terminer sa course en structure improbable. Nominé aux Game Developers Choice Awards de San José en 2006, cette boule de neige industrielle et contemporaine trempée dans de la J Pop a connu deux autres versions, Me & My Katamari et Beautiful Katamari. Malgré un décalage réjouissant, Katamari Damaci prenait encore le soin de s’entourer de rassurantes barrières de gameplay. Ce qui ne semble plus être le cas avec Noby Noby Boy qui délaisse tout objectif précis.
Pas étonnant lorsqu’on constate que Takahashi créé à contre-courant des plans classiques du jeu vidéo main-stream. Pas de radar. Un mois avant la sortie de son nouveau bébé, il avoue dans une interview au site 1up.com ne pas encore savoir de quoi il en retourne exactement. Ses boss chez Bandai ne comprennent pas un traître mot de ses projets mais les approuvent. La quinzaine de membres de son équipe est stressée et peu convaincue face au manque d’objectifs de son jeu non orthodoxe. Alors que Sony (qui vendra le jeu via le PlayStation Network) tente de décrire le jeu comme il peut (1), Bandai brouille les pistes, précisant qu’on ne peut pas définir Noby Noby comme un jeu, que le concept est trop difficile à expliquer et qu’il cache un sens profond devant rester secret. Coup de bluff? Buzz marketing? Génie vidéoludique? Un peu des trois sans doute.
Miró joue aux Playmobil
Les premières vidéos tombent. Les bêta tests aussi. Et l’ovni se précise. Le joueur évolue dans un monde en suspension où Newton s’est trompé. Il prend les commandes de Boy, une écorce de cacahuète lisse et rose à quatre pattes capable de s’étirer comme un chewing gum dans des directions opposées (en bougeant les deux joysticks). L’adresse Web du jeu résume brillamment cette idée en un pictogramme: http://o-o.jp/. L’identité visuelle se rapporte à l’enfance avec des couleurs vives et des formes cubiques 3D monochromes, dépouillées de textures. Picasso, Miró, Savignac (affichiste publicitaire français des années soixante), les Playmobil… Takahashi brasse ses influences revendiquées avec un rare sens de l’à-propos.
Le retour à l’enfance de ce jeu pour adultes ouverts d’esprit se retrouve également dans l’acte oral: le joueur doit avaler le décor. Animaux de ferme, enfants, roues… tout y passe. Ce qui permet à Boy de s’allonger (jusqu’à deux fois la carte) comme dans le séminal Snake. Le serpentin protagoniste recrache ensuite ces éléments par son postérieur mais garde sa longueur, pour ensuite se déplacer et s’enlacer ce que bon lui semble. Du sol au ciel, tacheté de donuts blancs géants.
A ce stade, on sait enfin qu’un deuxième personnage du nom de Girl, vivant dans l’espace (en bordure de terre), s’allongera également en fonction des exploits cumulés des joueurs du monde entier en mode online. Avec pour récompense une progression à travers le système solaire (Lune, Mars…). On craignait pour la bonne santé de l’indie gaming au Japon face aux florissantes productions US ( Braid, World of Goo…). Pas de problème. Noby Noby, comme on dit en japonais pour signifier relax, à l’aise.
http://tinyurl.com/9ns866
Michi-Hiro Tamaï
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