Christophe Léon n’a plus de télé. Il raconte comment il s’en est sorti dans un essai rigolo mais passéiste.

Christophe Léon est un enfant de la télé. Il avait 10 ans quand l’homme a marché sur la lune: forcément, ça aide. Il n’a pas toujours vomi la petite lucarne, bien au contraire. Dans Ecran plat, essai sur le sujet paru aux Editions du Somnambule Equivoque, il déterre ainsi quelques souvenirs humides, comme Emma Peel, « brune et bandante », et cette époque bénie des 70’s « où la téloche ne croyait pas encore en rien et ne souhaitait pas devenir ce rien ». Nostalgie d’un temps qui voyait ses dimanches après-midis occupés par la visite chez Mère-Grand, sa tarte aux quetsches « qui faisait péter tout l’après-midi », sa série britannique « qui ne décérébrait pas ».

Que s’est-il passé pour que l’auteur se mette désormais à parler de télé-verrue, télé-cauchemar et télé-publicité, « celle qui fit pénétrer dans la chaleur poisseuse de l’entrecuisse familiale le condom lubrifié d’une réclame imposée par l’industrie avide de vendre du chewing-gum [… ] « ?

La manière forte

Un coup de pouce du hasard. Au moment où la famille toute entière se vautrait religieusement devant l’écran, pffffiou, celui-ci s’est vidé de sa substance. Le noir, le vide, le désespoir. D’abord vu comme une malédiction, l’épisode sera bientôt vécu comme une libération. L’abandon de lourdes chaînes, une aliénation qui vole en éclats. Des enfants qui se mettent à lire, une famille qui reprend le dialogue, un ménage qui s’interroge sur sa consommation et s’initie au bio… Le paradis bobo après l’enfer baraki, en somme.

Et Christophe Léon de conseiller la manière forte (perceuse, masse, dynamite) pour se débarrasser de son poste de télévision. Méthode que vous vous empresserez peut-être d’adopter à l’issue de ces 66 pages acides et drôles, logorrhée désenchantée presque ininterrompue ne prétendant pas livrer une analyse, mais un point de vue. Et justement, l’exercice nous semble un peu court. L’essayiste s’appuie sur peu voire pas d’arguments pour lyncher l’écran cathodique… Si certains sont prêts à avaler la couleuvre sans autre forme de procès qu’une instruction à charge (parce que désormais, dans les milieux cultureux, intellos ou alter, c’est tellement chic de dire qu’on n’a pas la télé à la maison), nous n’en sommes pas.

D’abord, Léon confine la télé aux divertissements variétoches, aux infos vides de sens (« (…) tel homme politique avait une ampoule au pied (…) »), et aux télé-achats abrutissants: nous y trouvons pourtant aussi des documentaires passionnants, des films brillants et des séries restituant finement l’air du temps. Et puis, toiser le pouvoir qu’a la télé de soustraire ses spectateurs à une réalité morose nous paraît carrément snob… Enfin, Christophe Léon considère la télévision comme une maîtresse absolue imposant ses volontés (l’heure, le lieu, la manière). C’est nier l’influence du Net et du numérique en général – replaçant le choix individuel au c£ur de l’acte de consommation – sur les modes d’ingestion du média. Passéiste. Il nous semble que son approche a 10 ans de retard, au moins. Logique, quand on se rappelle que Christophe Léon n’a plus manié la zapette depuis… 1999.

u Écran plat, De Christophe Léon, Éditions du Somnambule

Equivoque, 66 pages.

LA CHRONIQUE DE myriam leroy

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