UN SOMPTUEUX POLAR SUR LES PAS D’UN HOMME TENTANT D’ACCROCHER SA PART DE RÊVE AMÉRICAIN DANS UN NEW YORK EN PROIE À LA VIOLENCE ET LA DÉCRÉPITUDE.

A Most Violent Year

DE J.C. CHANDOR. AVEC OSCAR ISAAC, JESSICA CHASTAIN, DAVID OYELOWO. 2 H 05. DIST: LUMIÈRE.

9

Troisième long métrage de J.C. Chandor, A Most Violent Year venait confirmer, il y a quelques mois, le talent insolent d’un auteur-réalisateur qu’avait révélé en 2011 Margin Call, plongée aux sources de la crise financière, avant qu’il n’envoie, deux ans plus tard, Robert Redford à l’assaut de l’océan dans All Is Lost. S’inscrivant cette fois dans la longue tradition du polar -on pense aussi bien au Serpico de Sidney Lumet qu’aux opus de James Gray, et même à The French Connection de Friedkin-, le cinéaste l’accommode aussi brillamment à sa façon.

Le film adopte d’entrée un rythme singulier, celui d’un joggeur alignant les foulées dans un décor d’entrepôts déserts, premier signe de cette décrépitude, morale autant que physique, qui semble frapper New York City en cette année 1981, statistiquement la plus violente de l’histoire de la ville. Cet homme, c’est Abel Morales (Oscar Isaac), un immigré latino bien décidé à conquérir Brooklyn, Manhattan et, pourquoi pas, le monde. Avec sa femme Anna (Jessica Chastain), une fille du sérail, il conduit ainsi une petite entreprise de gasoil de chauffage à qui l’incertitude du moment pourrait ouvrir de nouvelles perspectives, sous la forme d’un terrain équipé de cuves, idéalement situé en bordure de l’East River. Une opportunité qu’il n’entend pas laisser passer, tout en restant rivé à ses principes, et à une honnêteté qu’il ne saurait brader, fût-ce sur l’autel d’un capitalisme bien assimilé. Des résolutions qui vont toutefois chanceler lorsque ses camions de livraison sont l’objet de braquages à répétition, et qu’un juge tatillon (David Oyelowo) le suspecte de malversations…

Les films de Chandor sont des histoires de survivants, et A Most Violent Year ne déroge pas à la règle, qui va voir son protagoniste central tenter de préserver son intégrité morale tout en se heurtant à une réalité couleur… pétrole. C’est dire la densité humaine de l’oeuvre, qui trouve en Isaac et Chastain un imparable duo d’interprètes, le réalisateur balayant à leur suite, et au gré d’une intrigue sinueuse, le rêve américain côtés pile et face. Porté par une mise en scène opératique et la photographie laiteuse de Bradford Young, il y a là in fine mieux qu’un polar, un film d’exception, tout simplement magistral.

Les compléments sont à l’image du film, consistants. Outre les classiques scènes coupées, making of et commentaire audio, fouillé pour le coup, on y découvre, cerise sur le gâteau, une conversation complice entre Jessica Chastain et Oscar Isaac, tous deux issus de la Juilliard School de New York (c’est d’ailleurs la première qui a recommandé le second à J.C. Chandor). Et qui évoquent ici leur expérience respective dans un échange aussi animé que détendu.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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