PIERCE BROSNAN RETROUVE UN PERMIS DE TUER DANS THE NOVEMBER MAN, SOLIDE THRILLER D’ESPIONNAGE DE ROGER DONALDSON OÙ IL CAMPE PETER DEVEREAUX, UN AGENT SECRET ARRACHÉ À SA RETRAITE

En ce dimanche de septembre, Ostende s’emploie à justifier son surnom de reine des plages. Le temps est radieux, et l’on baguenaude sur le sable comme l’on se bouscule sur l’estacade, badauds et mouettes confondus. A quelques encablures de là, étranger à l’effervescence d’un été déclinant, Pierce Brosnan a choisi l’hôtel des Thermes, palace d’une autre époque, pour venir présenter The November Man. Des affiches montrant l’acteur, la moue décidée et le revolver au poing, plantent le décor, que complètent quelques fans, piétinant dans le hall dans l’espoir d’un hypothétique selfie.

Si, après celui de Deauville la veille, Brosnan honore le festival d’Ostende de sa présence, c’est sans doute parce que non content de tenir le rôle-titre du film, il en est aussi le producteur. The November Man est l’oeuvre, en effet, de la société qu’il fondait dans les années 90 avec Beau St. Clair, « Irish DreamTime »-une appellation qui s’est imposée comme une évidence pour un homme revendiquant bien haut son identité irlandaise: « Au moment de choisir un nom, à l’époque de notre premier film, The Nephew, tous ceux auxquels nous pouvions penser étaient déjà pris, y compris DreamTime (…). Mon avocat a alors suggéré d’y adjoindre Irish. Quand j’allais à l’école, en Angleterre, ils ne voulaient même pas dire mon nom, Pierce, se contentant de m’appeler Irish. Et voilà, il n’en fallait pas plus… »

À propos de ce nouveau film, adapté du roman There Are No Spies, de Bill Granger, Brosnan évoque une expérience « vivifiante ». Il y a là quelque chose tenant tout à la fois de la rupture et du retour aux sources pour un acteur surtout occupé, depuis quelques années, à jouer de son charme -voir les Mamma Mia! ou autre Love Is All You Need. Et qui renoue ici avec la veine physique qui a fait sa gloire lorsque, de 1995 et GoldenEye à 2002 et Die Another Day, il endossa à quatre reprises les habits de 007. « Je voulais faire un film d’action, et les romans de Granger ont touché une corde sensible, observe-t-il. Le nom déjà, The November Man, charrie à lui seul une dimension romantique, sensuelle et triste, mais aussi de la profondeur et la perspective de quelque chose de cinématographiquement poignant. Et puis, j’avais pris beaucoup de plaisir à jouer Bond, qui m’a en outre valu mon lot de succès, et le moment m’a semblé venu de repiquer au genre… »

My Name is Devereaux, Peter Devereaux

Bond, le nom est lâché. Non content de lui avoir apporté une large part de sa notoriété, l’espion de Sa majesté ne serait pas étranger à la vocation même de l’acteur irlandais. « En arrivant en Angleterre, le premier film que j’ai vu n’était autre que Goldfinger. La magie et l’ivresse du cinéma se sont emparés du gamin de onze ans que j’étais. Après l’avoir vu, on n’avait envie que d’une chose: en être soi aussi. » Après avoir succédé à Sean Connery, Roger Moore sans même parler de George Lazenby dans le rôle tant convoité, le voilà en quelque sorte qui boucle la boucle avec The November Man, film nourri de l’esthétique des 007 de la dernière génération, celle de Daniel Craig. « C’est mon ami Roger Donaldson (le réalisateur, avec qui il avait déjà tourné Dante’s Peak en 1997, ndlr) qui a donné son ton musclé au film, observe-t-il, ce n’était pas mon fait. Pour ma part, j’appréciais les émotions du personnage, le fait que ce soit un outsider, un type cultivé doublé d’un dur à cuire. Je n’ai pas suggéré à Roger d’orchestrer la rencontre de The Bourne Identity et de Bond, tout en sachant qu’il y aurait de toute façon de cela, ce qui échappait à mon contrôle. Mais si j’étais bien conscient du fait que Bond occupait beaucoup d’espace sur cette scène, j’avais aussi la conviction qu’il en restait assez pour que j’y prenne ma place. »

Entre 007 et Peter Devereaux, le héros de The November Man, on pourrait s’amuser à établir une cartographie des convergences et des différences -genre l’un travaille pour le MI6, l’autre bosse pour la CIA. Au rang des secondes, la plus fondamentale tient peut-être au fait que si Bond est un mythe, Devereaux appartient pour sa part au commun des mortels. Et que partant, un « My Name is Devereaux, Peter Devereaux » n’aura jamais le même impact que le légendaire « My Name is Bond, James Bond », avec des incidences paradoxales sur le travail de l’acteur. « Devereaux m’appartient. Nous l’avons créé, et si je le partage avec les gens qui ont fait ce film, j’ai une plus grande intimité avec lui, tout en ayant à disposition, dans les livres de Granger, beaucoup d’informations, de la chair sur l’os, et du drame à injecter. La question, pour moi, est toujours de savoir qui est cet homme? Que veut-il? Quelles sont ses émotions? Si Bond a des sentiments lui aussi, on a l’impression qu’il s’agit d’un secret bien gardé. Et cela vaut également pour les romans de Fleming, à l’exception de Casino Royale, qui en a établi le moule; le reste, c’est la personnalité de celui qui le joue. Bond était délicat à manier parce que je ne disposais, en définitive, que de mon texte. Et j’avais l’impression de me retrouver dans un film d’époque, où m’avaient précédé Sean Connery, Roger Moore -comment le rendre réel, dans cet environnement grandiose? »

Replonger pour de bon

Devereaux, pour sa part, est parfaitement synchrone avec son temps. Et si l’intrigue de The November Man ravive le souvenir du conflit tchétchène, elle ne manque pas de résonner aussi avec l’actualité ukrainienne, s’inscrivant donc dans la réalité géopolitique du moment. A l’entame de la soixantaine, Brosnan y apporte par ailleurs une présence physique qui ne manque pas de forcer le respect. L’homme a su s’entretenir, qui s’en remet à sa formation d’acteur et au fait de rester en condition parce que le boulot le requiert. « C’est un travail fort émotionnel, où il est toujours question de construire puis de détruire. On doit devenir un autre personnage, creuser pour être authentique… » Ce dont il s’acquitte avec un naturel faussement nonchalant, lui qui vous assure que James Bond, The November Man, Mamma Mia! ou Love Punch, il n’y a là que du pareil au même, « la nécessité d’être vrai et sincère dans le moment. Pour moi, cela doit rester simple, c’est mon style. Et puis, on voit Daniel Day-Lewis, et on se dit: « waouw… »

Voire. La méthode ne lui a, en tout état de cause, pas trop mal réussi. Annoncé dans une volée de films, et notamment en roi Louis XIV dans The Moon and the Sun, Pierce Brosnan pourrait par ailleurs replonger pour de bon dans le nid d’espions, et retrouver prochainement son personnage de Peter Devereaux, dont Bill Granger avait écrit treize aventures, de quoi alimenter des rumeurs de franchise. « C’est en tout cas l’intention », conclut-il, avant de prendre congé sur un « Cheers » accompagné d’une ferme poignée de mains. Never Say Never Again, en effet…

RENCONTRE Jean-François Pluijgers

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