Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

À CÔTÉ DU BEAU GOSSE JAMES BLAKE, LE DUO ÉLECTRONIQUE ANGLAIS CONFIRME QU’IL Y A BIEN UNE VIE APRÈS LE DUBSTEP.

On comprend un peu mieux ce qui fait l’étrangeté toute british d’une musique comme celle de Mount Kimbie. Kai Campos, moitié du binôme, raconte: « Quand je pars faire un tour à vélo, je branche souvent mon baladeur sur Radio 4. Je tombe toujours sur des documentaires bizarres, des pièces de théâtre ringardes… C’est vraiment la radio anglaise typique, avec un mix de choses très étranges… Du coup, je trouve souvent des sons intéressants. Dès que je rentre chez moi, je fonce sur mon pc: j’ai un programme qui stocke tout ce qui passe: émissions radio, programmes à la télé… J’essaie de retrouver ce qui m’a titillé l’oreille pour le repiquer. Cela devient un fichier audio que l’on réutilise parfois des mois plus tard. » Un tamis à bruits, voilà sur quoi reposeraient les fondations de Mount Kimbie. « Trouver des nouveaux sons: c’est ce qui m’anime quand je me lève le matin. »

Les étiquettes sont faites pour être arrachées. En 2010, Mount Kimbie sortait un premier album, Crooks & Lovers, qui s’appuyait sur le son dubstep anglais -basses énormes, ambiances ombrageuses- pour mieux le détourner. Call it « post-dubstep », peu importe, l’essentiel était que, à l’image de leur pote James Blake, Kai Campos et Dominic Maker réinjectent un peu d’âme dans un genre piégé par son propre succès. Leur musique est forcément sombre, sensuelle à sa manière. Un poil torturée aussi. Voire légèrement autiste? Kai Campos a peut-être une explication à ça: « J’ai grandi dans les Cornouailles, loin de tout. Il n’y avait aucune scène musicale. Mes potes n’écoutaient pas les mêmes musiques que moi. J’étais assez isolé. Mais je pense que c’est le genre de choses que l’on peut entendre dans Mount Kimbie, dans la manière dont on sonne (sourire). En fait, mon « éducation » musicale, je me la suis faite grâce à la radio. J’avais quinze ans. Sur Radio 1, le soir, on avait droit à l’émission de John Peel, puis celle de Gilles Peterson. J’enregistrais les quatre heures. Puis je faisais le tri, j’éditais des sortes de best of. C’est pas mal, parce que vous vous retrouvez à écouter des trucs que vous n’auriez pas écoutés. Même si vous n’aimez pas tout, cela finit toujours par vous influencer d’une manière ou d’une autre. »

Tea for two

L’histoire de la musique électronique est remplie de duos, de Daft Punk aux Chemical Brothers. Mount Kimbie en est un autre, formé à l’unif, à Londres, un peu par accident. « J’ai longtemps pensé qu’une bonne idée ne pouvait venir que d’une seule personne. Dès que vous essayez de la communiquer à quelqu’un d’autre, la barrière de la langue la modifie, la structure d’une certaine manière, la réduit. Bref, elle se dilue. Aujourd’hui, mon opinion a un peu évolué. Parfois, une bonne collaboration peut élever l’idée, tout simplement la rendre meilleure. »

Analyse confirmée avec Cold Spring Fault Less Youth, 2e album de Mount Kimbie sorti ces jours-ci (lire critique en page 36). Varié, ou plutôt fragmenté, il voit le binôme british creuser un peu plus profond leur électronica et multiplier les pistes. Toujours un peu crépusculaire, mais jamais plombé. « J’espère que ceux qui ont apprécié Crooks & Lovers aimeront aussi celui-ci, mais cela n’arrivera pas. On se fout d’être populaire. Mais je ne veux pas pour autant que notre musique reste un langage codé, fermé sur lui-même. Elle n’a de sens que si elle résonne chez d’autres. J’ai trop de respect pour toutes les musiques qui m’ont ouvert au monde pour enfermer la nôtre. »

LAURENT HOEBRECHTS

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