Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

« The Ecstatic »

Distribué par Coop.

Cela démarre par l’extrait d’un discours: « Il faut changer les choses (…) Je rejoindrai tous ceux, peu importe leur couleur de peau, qui voudront changer les conditions misérables de vie sur cette Terre. » La rhétorique pourrait être celle d’un Barack Obama, mais c’est pourtant bien Malcolm X qui parle, le leader noir assassiné en 65. Dès le départ, le nouvel album de Mos Def pose donc ses repères: il va forcément s’y passer quelque chose. L’illustration de la pochette pouvait déjà fournir un premier indice: une image du film Killer of Sheep (1977), £uvre clé du réalisateur Charles Burnett, tournée dans le ghetto de Watts. On peut continuer dans le jeu des références: plus loin, ce sont les mots de Fela, pape contestataire de l’afro-beat, qui servent d’introduction au morceau Quiet Dog.

The Ecstatic, quatrième album du rappeur de Bed-Stuy, Brooklyn, sera donc investi ou ne sera pas. Ce n’était pas forcément gagné au départ. C’est qu’on a bien failli perdre Mos Def en route… La faute à un premier album solo peut-être trop parfait. Sorti en 99, Black On Both Sides constituait un disque enlevé, touffu et en même temps limpide. En bref, l’une des meilleures sorties rap de ces années-là. Il consacrait en même temps une tendance alternative du rap, conscientisée et engagée – celle symbolisée par le label Rawkus, né dans la foulée des Native Tongues (De La Soul…).

Parano

Dante Terrell Smith, de son vrai nom, aura cependant du mal à donner une suite à ces débuts exemplaires. Il s’égare du côté du rock sur The New Danger, et bâcle à moitié True Magic pour être quitte de ses obligations contractuelles avec sa maison de disques. Entre-temps, il passe de plus en plus souvent devant la caméra. Récemment, il tenait avec Jack Black le fameux vidéoclub au centre de l’action du dernier film de Michel Gondry, Be Kind Rewind, et on a encore pu le voir à l’£uvre comme patient dans un des derniers épisodes de Dr House.

On pouvait donc douter de l’importance que Mos Def accordait encore à la musique. En cela, The Ecstatic arrive à point nommé. Dès l’entame, Supermagic prend directement à la gorge, pour ne relâcher la tension que dans une coulée de guitares psyché. Twilite Speedball continue sur le mode paranoïaque qui domine le disque. Avec ses violons orientaux , Auditorium, produit par Madlib, est un premier sommet, sur lequel Mos Def a l’excellente idée d’inviter le flow faussement débonnaire de Slick Rick. Chaque morceau ressemble en fait à une piste de décollage pour le suivant. Certes, tous ne se laissent pas apprivoiser facilement, mais aucun ne vient jamais servir de bouche-trou. Du coup, voilà qui fait de The Ecstatic l’un des disques rap les plus excitants sortis ces derniers mois. On n’en attendait pas tant.

Laurent Hoebrechts

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