Les Nostradamus de tous poils se frottent les mains. Ils ont trouvé un nouvel os à ronger: l’avenir du livre et de sa petite cousine la presse papier. Habillés en futurologues ou en observateurs des nouvelles technologies, ces vautours pronostiquent l’extinction de l’ère imprimée à plus ou moins brève échéance. L’Américain Ross Dawson par exemple, qui dirige le Future Exploration Network, un réseau d’experts en lendemains qui chantent ou qui déchantent, a déjà envoyé les faire-part pays par pays. Selon ce Cassandre en costume-cravate, les Etats-Unis auront mis la clé des quotidiens sous le paillasson numérique dès 2017, le dernier des Mohicans devant franchir le pas au plus tard en 2040. Damned! Si l’on en croit cet oiseau de mauvais augure, Le Soir, La Libre ou la DH entonnent leur chant du cygne. Car pour la Belgique, l’échéance est fixée à 2026. Autant dire demain. Ces titres peuvent bien sûr espérer renaître de leurs cendres sur le Net et ses satellites. Encore faut-il qu’ils trouvent d’ici là un modèle économique de substitution viable… Quel crédit accorder à ces sombres présages? Primo, rappelons que si l’on devait prendre pour argent comptant toutes les prédictions apocalyptiques, le passage à l’an 2000 aurait dû nous valoir un joyeux bordel informatique, avec chutes d’avions et compagnie, tandis que 2012 devrait sceller le sort de notre petite escapade dans l’univers. A contrario, aucune boule de cristal n’a vu venir le 11 septembre, ni le scénario atomique de Fukushima, ni le grain de sable Bart de Wever. Reste qu’on ne va pas s’enfoncer la tête dans le sol au son de Tout va très bien madame la marquise. Même si la télévision n’a pas eu la peau du cinéma, elle l’a radicalement transformé. Logique donc que le Net, séisme de magnitude 9 sur l’échelle des mutations, bouscule cette vieille dame qu’est l’imprimerie. Jusqu’à lui faire la peau? Que des groupes de presse troquent leurs rotatives contre des serveurs (le Christian Science Monitor en 2009, le groupe montréalais Gesca, qui édite notamment La Presse, aujourd’hui) et que des requins des affaires lancent des journaux calibrés pour l’iPad (The Daily de Rupert Murdoch et The Project de Richard Branson) fait farine au moulin des partisans de l’autodafé. Mais de là à parier sur un scénario catastrophe… Après tout, quand un acteur du Web commence à se faire un nom sur la Toile, à quoi rêve-t-il? A passer au format papier. Boulet pour la BD, Rue89 pour la presse. Rien ne remplace le prestige et la sensualité d’un livre ou d’un magazine. On attend donc de voir. Notre avenir est entre vos mains. Dans tous les sens du terme…

PS: c’est désormais officiel, en Belgique, il faut plus de temps pour accoucher d’un gouvernement que d’un petit d’homme. Au pays du surréalisme, nos politiciens inventent un nouveau courant artistique, entre Dada et Beckett, qu’on pourrait appeler le sursurréalisme. La menace de transformer le pays en repaire de barbus a eu moins d’effets que les frappes de la coalition en Lybie. Du coup, on change de tactique. On rase l’excédent pileux et on se plonge dans la méditation en grande profondeur façon Matthieu Ricard. Autant pour espérer faire bouger les choses que pour ne pas devenir fou…

RETROUVEZ LA CHRONIQUE SUR LES SÉRIES TÉLÉ DE GUY VERSTRAETEN, TOUS LES JEUDIS À 8H45, SUR PURE

Par Laurent Raphaël

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