On peut tout chanter. Mais pas avec n’importe qui. Adam Green sort son nouvel album et évoque la censure aux Etats-Unis.

Le verbe souvent cinglant, le langage parfois fleuri, Adam Green a fait de ses textes décalés une marque de fabrique. Une caractéristique qui l’a longtemps tenu écarté des grandes émissions de télé américaines. Alors qu’il s’arrête à l’Ancienne Belgique fin janvier pour promouvoir Sixes & Sevens ( voir également notre critique en page 31), son cinquième album solo, le New-Yorkais vient de passer dans The View, talk-show d’ABC modéré depuis peu par Whoopy Goldberg.

Grâce à Juno ( Anyone else but you figure sur la B.O.), les Moldy Peaches arrivent enfin aux oreilles du grand public.  » Ce titre a pourtant été enregistré il y a huit ans, commente le farfelu . Et on a dû l’adapter. La production nous a interdit de prononcer le mot « turd »(étron) à l’antenne. Il y a plein de fonctions biologiques que tu ne peux même pas imaginer citer à la télé américaine. J’avais auparavant dû enregistrer une nouvelle version d’ Emily pour MTV Etats-Unis. Je ne pouvais pas utiliser les mots « kitchen knife  » (couteau de cuisine) et « gauge  » (calibre). Je les ai remplacés par « happy guy  » et « lemonade « . Tout ça pour ça. Ils l’ont diffusée deux fois. »

PARANOïA DES MéDIAS

C’est monnaie courante. En 1967 déjà, les Rolling Stones modifiaient Let’s spend the night together en Let’s spend some time together sur le plateau d’Ed Sullivan. Plus net, plus récent, Cop Killer de Body Count a été interdit de radio et de vente aux Etats-Unis. Quant au 11 septembre 2001, il a banni des antennes toute chanson qui parle de feu, de rébellion et même d’avion…

Le Superbowl 2004 a encore, d’après Adam, attisé la paranoïa des médias.  » Quand Justin Timberlake a montré les seins de Janet Jackson au pays tout entier, les choses sont deve- nues plus rigides. La télé a cessé de se faire en direct. Les chaînes ont prévu de légers décalages. Par sécurité. Davantage de mots ont figuré sur leur liste noire. Et leurs synonymes moins crus, plus poétiques, ont eux aussi été prohibés… » Parfois simplement effacés. » J’ai toujours connu le hip-hop muselé à la télé, commente-t-il. Dès les premiers pas du Gangsta Rap, d’Ice T, de NWA… Mais les bips pour effacer les propos censurés ne t’empêchent pas d’apprécier leurs chansons. Par contre, ils mettent les miennes en l’air. En brisent l’aspect mélodieux. »

Inspiré par le jazz, la Motown, Scott Walker, Frank Sinatra, le pote des Strokes a toujours pris la musique très au sérieux. » Mais j’aime teinter mes paroles d’humour. C’est moi. Cela me sort de la tête comme ça et j’essaie de ne pas trop y réfléchir. Je ne cherche guère à paraître intelligent ou idiot. Je cherche à être moi. »

L’ancien Moldy Peaches s’autocensure parfois.  » Je ne laisse tomber que ce qui me met mal à l’aise. Et je suis davantage dérangé à l’idée de déballer des clichés de songwriter qu’à entonner No Legs. » Chanson durant laquelle Adam explique comment faire l’amour à une cul-de-jatte.  » Ce morceau est sans doute passé en radio. Mais dans un pays comme l’Italie où les gens maîtrisent mal l’anglais. J’ai fait des télés en Allemagne où j’ai chanté des trucs assez trash sans que ça n’embête qui que ce soit. Ils s’en moquent. Se disent que le public ne comprend pas. Tant mieux. J’ai du mal à tenir ma langue. Mais bon, je n’écris pas des chansons pour passer sur les ondes. Je me suis toujours promis que je ferais de l’art avec de la pop music. »

Les States finiront par lui en être reconnaissants.  » Ces derniers temps, on expose des Gnarls Barkley, des MIA. Je suis optimiste. Je crois que pas mal d’artistes auront l’opportunité cette année de se mettre en évidence sans devoir passer par l’Europe. Les Strokes, les White Stripes sont plus grands en Angleterre que chez nous. Le marché américain est difficile à conquérir. J’ai parfois l’impression qu’on met l’autocollant Explicit Lyrics sur mes CD parce que je m’appelle Adam Green. »Un Adam Green qui ne reformera pas ses Moldy Peaches pour vendre des disques.  » Ils appartiennent au passé, conclut-il. J’espère qu’un jour on réé- crira des chansons avec Kimya mais il est déjà difficile de se retrouver pour un petit-déjeuner, alors pour composer un album, vous pensez bien… »

Sixes & Sevens, distribué par Rough Trade. En concert le 17/04, à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles www.adamgreen.net

TEXTE JULIEN BROQUET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content