SUR LA COMPILATIONGAZING WITH TRANQUILITY, HAMILTON LEITHAUSER, SHARON VON ETTEN ET LES FLAMING LIPS RENDENT HOMMAGE À DONOVAN ET SON OEUVRE. PORTRAIT D’UN HÉROS DEVENU TRÈS DISCRET.

Souvent considéré comme un Bob Dylan du pauvre, un folkeux de bibliothèque rose, il n’est pas le vieux de la vieille le plus souvent cité en exemple par la nouvelle génération, le troubadour qui fait tomber les jeunes gens d’aujourd’hui en pâmoison. Donovan a cependant marqué de son empreinte flower power l’his- toire de la pop music avec ses tubes Mellow Yellow et Sunshine Superman, ses arrangements psychédelico-baroques et son univers pacifiste et gentiment halluciné qui en a fait l’un des emblèmes du flower power hippie. L’ancien Walkman Hamilton Leithauser, Sharon Von Etten et les Flaming Lips ne l’ont pas oublié puisqu’ils sont, comme une douzaine de groupes nettement moins connus, de l’aventure Gazing with Tranquility, compilation qui lui est dédiée ces jours-ci par le label Rock The Cause Records.

Rejeton d’une ouvrière catholique et d’un protestant lettré qui travaille dans une usine Rolls Royce puis chez l’avionneur qui construit le Spitfire, Donovan Leitch voit le jour à Glasgow le 10 mai 1946 dans ce qu’il reste d’une ville solidement bombardée par les Allemands. Il partage ses journées entre la lecture auquel le contraint une polio précoce et les batailles rangées avec ses potes dans les décombres. Son père prétend qu’il a récité son premier poème, qui comprenait sept strophes, à quatre ans. Très tôt, il découvre les romantiques Shelley, Byron, Keats. Puis à l’adolescence, les auteurs Beat, le jazz, Coltrane, Billie Holiday, Woody Guthrie et Robert Zimmerman…

Il commence à s’intéresser au bouddhisme zen, rêve de devenir peintre et travaille la sculpture. Avec un pote guitariste, il crée les Macabres au sein desquels il joue de la batterie, porte des masques d’Halloween ou des tenues de Dracula. Ses premières chansons en solo l’imposent comme un aimable baladin. Une version gentillette et dépolitisée de Bob Dylan. Ce même Dylan qui dira un jour de lui: « Quand je regarde dans le trou des chiottes, je vois Donovan« . Robert et son sens de la courtoisie…

Révolution hippie

En 1966, sous l’égide du producteur Mickie Most (Animals, Herman’s Hermits, Jeff Beck) qui le fera collaborer avec Jack Bruce, John Paul Jones et Jimmy Page, Donovan change radicalement son image et atteint la première place des charts américains avec For John and Paul (une référence à ses amis Lennon et McCartney) rebaptisé Sunshine Superman et généralement considéré comme le premier disque psychédélique britannique. L’album du même nom se distingue par ses influences folk, orientales et médiévales ainsi que ses élaborés et somptueux arrangements qui inspireront entre autres ses compatriotes de Belle and Sebastian ou un Badly Drawn Boy. Donovan, l’une des premières pop stars à se faire arrêter en possession de cannabis, incarne les valeurs champêtres et mystiques de la révolution hippie.

Mellow Yellow, The Hurdy Gurdy Man… Au coeur des années 60, l’Ecossais adepte de la méditation transcendantale, des drogues douces et de Lewis Carroll enchaîne les succès. Voisin de Keith Moon, il traîne beaucoup avec les Beatles, aide McCartney à terminer Yellow Submarine (il participe d’ailleurs aux choeurs) et enseigne sa technique de fingerpicking (le claw hammer, qu’il a appris dans un cimetière avec une espèce de clochard cleptomane) à Lennon et Harrison pendant un séjour spirituel en Inde où il tente d’échapper à ce qu’il appelle la super célébrité.

Poursuivi par le Fisc, il part début des seventies s’installer à Joshua Tree, dans le désert californien, avec sa deuxième épouse Linda Lawrence (ce qui fait de lui le beau-père du fils de Brian Jones…). Il interprète le rôle-titre dans Le Joueur de flûte de Jacques Demy dont il compose et interprète la musique (1971) et sort des disques de moins en moins en phase avec le public. L’arrivée des punks en 76 marque la fin d’une ère. Hippie devient un gros mot. Et dans les années 80, pour le Britannique, c’est un peu la traversée du désert. Fin de la décennie, il reçoit un soutien et une reconnaissance inattendues « coming from Madchester ». Les Happy Mondays l’invitent à l’Hacienda avant de l’emmener avec eux en tournée. L’une de ses filles sort avec Paul Ryder. L’autre épousera Shaun. Sacrés beaux-fils…

En 1996, Donovan sortira à nouveau de sa boîte grâce au fondateur du label Def Jam Rick Rubin. Spécialiste des productions rap et métal qui, en enregistrant l’album Sutras, l’extirpe de l’anonymat comme il a relancé la carrière de Johnny Cash. Donovan, qui sortait encore en 2013 l’album Shadows of Blue, a été introduit au Rock and Roll Hall of Fame le 14 avril 2012. Soit à 65 balais, en même temps que les Guns, les Red Hot et les Beastie Boys…

TEXTE Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content