Les séries télé ressassent toujours les mêmes thèmes. Focus vous les dévoile tout au long de l’été. Sixième étape: les journalistes. à la fois adulés et décriés.
On le dit magouilleur, profiteur, fouille-merde, copinant avec les puissants… Le journaliste a mauvaise presse. Sa profession est d’ailleurs régulièrement citée dans les études de perception des métiers: il inspirerait autant de sympathie au citoyen qu’un contrôleur des contributions. Et, paradoxalement, il fascine. Un symptôme parmi d’autres: les écoles de communication sont bourrées à craquer d’étudiants rêvant de sentiers de guerre ou de marches de gloire. A l’interne aussi, l’attraction-répulsion a cours: récemment, une mémorante de l’UCL a mis au jour que si seulement 47 % des journalistes francophones belges se disaient satisfaits des conditions dans lesquelles ils travaillaient, 82 % étaient toutefois heureux d’exercer leur métier. Pour ces raisons, la presse (comme la police ou l’hôpital) est un sujet en or pour la fiction. Voilà des domaines d’activité capitaux dans une société où les travailleurs sont capables du pire comme du meilleur, des plus graves transgressions comme du courage le plus noble, où la précarité honteuse côtoie l’opulence du chefaillon. Les séries télé américaines exploitent le thème depuis longtemps. Tantôt en lui octroyant une place de choix dans l’intrigue, tantôt en mettant en scène des journalistes, chroniqueurs, ou animateurs. Avec plus ou moins de crédibilité. Carrie Bradshaw, héroïne de Sex and The City (1998-2004), s’offre ainsi quotidiennement des camions de sandales Louboutin grâce à une petite chronique sexo hebdomadaire dans le journal fictionnel The New York Star (occupation calquée sur celle de l’auteure du bouquin ayant inspiré la sitcom). Ici, le journalisme n’est qu’un prétexte pour explorer les relations humaines à partir d’un thème défini par Carrie.
Kiosque
D’ Ugly Betty à Loïs et Clark en passant par Beverly Hills 90210 (si si, rappelez-vous, Steve y fut propriétaire d’un journal!), les séries prennent les rédactions comme simple décor pour mettre en avant leur côté « univers impitoyable » (de quoi exploiter des relations professionnelles de type maître/esclaves, toujours porteuses), leur ambiance supposément grouillante (10 téléphones qui sonnent en même temps et que personne ne décroche…), ou tout simplement pour faire joli. Plus réaliste est le quotidien de Beth Turner, atout charme de la série de vampires Moonlight (2007-2008). D’abord parce qu’elle couvre l’actualité pour un média en ligne, quand les autres fictions montrent exclusivement de distingués canards ou de grosses chaînes de télé (le journalisme radio étant quelque peu exclu des séries). Ensuite parce que le portail en question connaît des clones dans la vraie vie (c’est, selon Beth, « du journalisme d’investigation… qui tape un peu en-dessous de la ceinture! »). Enfin parce que la blonde qui enquête en tandem avec un vampire sur des coups de dents mortels à L.A. n’est pas toujours très sûre d’elle mais qu’elle est prête à tout pour sortir de l’ombre… Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n’est pas purement fortuite. C’est le cas également pour Lucy Spiller, personnage principal de Dirt (2007-2008), rédactrice en chef d’un magazine à potins nauséabond à souhait, dont le fonctionnement paraît très vraisemblable – entre course au scoop et tentatives d’économies.
Très populaire en Amérique du Nord, particulièrement au Québec ( Rumeurs, Lance et compte, Scoop…), la thématique journalistique inspire pourtant peu de ce côté-ci de l’Atlantique. Or, quand les Français se penchent dessus, cela peut détonner: Reporters (2007-2009), ambitieuse série Canal + mettant en parallèle un journal papier et une rédaction télévisée, leurs modes de fonctionnement, leurs guerres d’égo, dérapages, tentatives de résistance aux assauts du Web (…) était probablement la plus réaliste des fictions du genre. Il faut dire qu’elle s’inspirait de cas réels – comme l’interview bidon de Fidel Castro par PPDA – et était produite par l’agence Capa. On vient d’apprendre qu’elle ne serait pas reconduite pour une troisième saison.
Et maintenant? A la rentrée, la RTBF et France 3 mettront sur orbite A tort ou à raison, une fiction écrite par l’avocat Marc Uyttendaele, dans laquelle l’un des héros sera chroniqueur judiciaire. Affaire à suivre…
Myriam Leroy
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