Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Pop en apesanteur – Sur One One, le savant fou Matthew Herbert fait tout tout seul. Le résultat: un disque d’électro-pop émouvant, léger au point de frôler l’effacement.

« One One »

Distribué par Pias.

Il a beau cultivé une certaine discrétion, Matthew Herbert est un des musiciens actuels les plus passionnants à suivre. Un des seuls à vraiment creuser le médium musical, sans sacrifier forcément l’accessibilité et tomber dans l’hermétisme. Depuis près de 15 ans, il a pu ainsi se permettre de faire le grand écart entre house et musique concrète. La plupart du temps avec réussite, toujours avec un certain panache.

En 2005, il pond son propre manifeste. Une sorte de guide pour la composition, qui interdit par exemple toute drum machine, et tout sample de musique préexistante, obligeant à rendre publique la liste des instruments utilisés. L’idée? Que la musique ne vive pas pour elle-même, enfermée dans un studio stérile, mais sorte au grand air pour se reconnecter à la société. En 2001, il sort ainsi Bodily Functions, disque de house jazzy truffé de sons organiques (sang qui coule dans les veines, bruits de digestions…). En 2005, Plat du Jour s’installe lui dans la cuisine, remontant la chaîne alimentaire (ingrédients en tous genres, bruits piqués lors de visite d’abattoir…). En sous-texte apparaît une critique de la malbouffe. A sa manière, Herbert se profile ainsi comme un protest-singer. Ou à tout le moins un protest-sampler. C’était encore plus évident sur son dernier effort discographique, le très politisé There’s Me & There’s You, 2e album publié sous la formule du big band en 2008.

City guide

Deux ans plus tard, Herbert a décidé de se lancer dans une nouvelle trilogie. Au présent One One, succéderont One Pig -suivant la vie d’un cochon, de la naissance à l’assiette-, et One Club, basé sur les sons enregistrés lors d’une nuit au Robert Johnson, le fameux club de Francfort.

En attendant, voici One One. Herbert y laisse tomber son big band pour revenir à des préoccupations plus intimistes. Voire carrément intimes. Pour trouver le matériau sonore du moment, il n’a en effet pas été très loin. C’est en lui que le musicien a cherché les bases du disque. Il explique notamment: « Quand tout ce que je peux lire, écouter et entendre a été absorbé, il arrive un moment où vous devez le sentir viscéralement, sinon vous vous fermez aux horreurs que cela recouvre et vous vous fermez à la possibilité d’agir… Cette intégration du combat, de la friction, de la mélancolie que je peux ressentir devrait être au c£ur émotionnel du travail. »

Matthew Herbert a donc creusé en lui. Du coup, il chante tout, joue tout. One One est un disque solitaire, mais pas autiste: chaque chanson porte le nom d’une ville, de Leipzig à Singapore. Par certains aspects, l’album apparaît comme un des essais les plus directement accessibles du bonhomme. Mais aussi des plus brumeux. House au ralenti, electronica rêveuse et pointilliste, à un jet de la soft pop la plus contemplative, au bord de l’effacement même par moment. C’est d’ailleurs le paradoxe de One One, et son exigence: tout ouvert et hospitalier soit-il, il demande à l’auditeur de tendre l’oreille, de se mettre en position d’écoute. Car après tout, les confessions intimes ne se font jamais en hurlant…

En concert aux Ardentes, le 9/07.

Laurent Hoebrechts

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