Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Diamant fêlé – Avec un premier album über pop aussi accrocheur qu’éreintant, Marina & the Diamonds ne laissera pas indifférent.

« The Family Jewels »

Distribué par Warner.

La pop vit décidément une époque formidable. Peut-être l’une de ses plus passionnantes depuis les années 80. Non? Il y a longtemps en tout cas que l’on n’avait plus vu le genre afficher de telles couleurs. Souvent criardes, tapageuses, pas toujours bien intentionnées, mais au moins enlevées et même parfois déviantes. Après le formatage à outrance, tout se passe comme si la pop avait retrouvé le goût du baroque, de l’excentricité et du too much. Il y a l’exemple Mika ou le cas Hot Chip pris en flagrant délit de dérives eurodance, sans parler de la pop pour auto-tamponneuses des Black Eyed Peas. Ce sont cependant les filles qui semblent monter le plus au créneau. Cela donne par exemple Lady Gaga et son spectacle permanent ou les chansons coiffées façon eighties de La Roux. On peut y ajouter désormais Marina & the Diamonds.

Galloise aux racines grecques (son père), Marina Diamandis (née en 1985) vient de sortir son premier album, annoncé depuis plus d’un an par une série de EP (dont un premier autoproduit en 2007). Un disque d’autant plus attendu au tournant qu’en janvier la jeune femme avait terminé 2e du sondage de la BBC désignant les nouveaux artistes qui devaient « faire » 2010. Buzz, pression, et hype montée en bonne et due forme donc. Pour quel résultat?

Cascades

Il y a d’abord la voix de Diamandis. A l’exemple du single Mowgli’s Road, elle part dans toutes les directions à la fois, hulule, minaude, crie, couine. Bref, en fait des tonnes. On pense forcément à Kate Bush, référence apparemment inévitable dès qu’une fille sort vocalement du rang. Mais aussi aux Sparks, Hammill ou encore au cabaret à la Brecht. L’an dernier, Florence & The Machine avait pris un peu la même option. Quitte parfois à tomber dans le maniérisme. Au moins, l’avantage de la collègue Marina est que le parti pris correspond peut-être mieux au format et à son ambition clairement pop. N’empêche: en se permettant de telles cascades vocales, la jeune femme va déjà s’aliéner une partie du public.

The Family Jewels contient pourtant une flopée de chansons addictives. De ce point de vue, la capacité de Diamandis à pondre des mélodies accrocheuses ne souffre pas beaucoup de discussion. Cela ne fait pas forcément de ses Family Jewels une totale réussite. Mais c’est aussi pour cela, pour ses défauts, que l’on a envie de le défendre. La production, par exemple, est parfois inégale. Tout se passe comme si les réalisateurs désignés (principalement Liam Howe -ex-Sneaker Pimps- et le compatriote Pascal Gabriel) avaient été eux-mêmes déstabilisés par l’appétit vorace de Marina. Jamais la chanteuse ne semble pouvoir dire les choses simplement, débordée par son propre enthousiasme. Cela tient de l’autosuggestion (« I know exactly what I want and who I want to be » – Oh No!) et de l’ambition chevillée au corps (« It’s my problem on how fast I will succeed » – Are You Satisfied). Au point que cela en devient parfois fatigant. Marina n’est cependant pas dupe. C’est même là que The Family Jewels devient intéressant: quand il se rend compte de sa propre vanité. Dans ces cas-là, Marina en remet souvent une couche, pour mieux poser un genou à terre. Comme dans Numb, où la jeune femme chante: « Au moins bien je me sentirai, au plus haut je grimperai. » Concluant plus loin: « Je ne suis bonne pour personne, car tout ce qui m’importe est d’être numéro un ». Et si le diamant dont il était question ici était finalement un solitaire?…

En concert le 15/06, au Botanique, Bruxelles.

Laurent Hoebrechts

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