AU SORTIR D’UNE TROISIÈME ÉDITION RÉUSSIE, LES MAGRITTE DU CINÉMA SEMBLENT S’INSTALLER DANS LA DURÉE. ET LE CINÉMA (FRANCOPHONE) BELGE DE SOURIRE…

C’est sans doute, au-delà du triomphe mérité de Joachim Lafosse et de son A perdre la raison, l’enseignement principal à retirer de la troisième cérémonie des Magritte qui s’est tenue la semaine dernière à Bruxelles: les prix du cinéma (francophone) belge semblent bel et bien partis pour s’installer dans la durée. Ce qui n’a l’air de rien, mais n’est pourtant pas négligeable -ils étaient nombreux les Cassandre à prédire, il y a deux ans à peine, une fin prématurée à la manifestation, sous le double coup de l’étroitesse de la production et de l’indifférence du public, ce mal pernicieux qu’elle devait précisément contribuer à combattre.

Certes, il y a encore du chemin à faire en la matière, et l’espoir formulé par Joachim Lafosse – « J’ai la conviction qu’en Belgique, on va réussir à emmener le public en nombre vers des films complexes et de qualité »– tient sans doute tout à la fois de la méthode Coué et du voeu pieux, le même ayant d’ailleurs précisé, à juste titre, que 36 000 spectateurs pour A perdre la raison, l’un des meilleurs films sortis sur les écrans l’an dernier, tous horizons confondus, « cela n’est pas suffisant« . Ce constat posé, les Magritte troisièmes du nom auront permis de vérifier tout à la fois la mobilisation de la profession, et la diversité de la production, reflétée par un palmarès joliment panaché, et par ailleurs conforme à la logique. Ce qui s’appelle, en tout état de cause, une distribution bien balancée, dont nul n’aurait en définitive à se plaindre. Mieux même, on a pu croire que, dans cet élan consensuel, les participants avaient décidé de corriger certaines erreurs passées: inexplicablement oubliés du palmarès de 2012, et par ailleurs absents des travées du Square, les frères Dardenne ont ainsi été plébiscités tout au long de la soirée par acteurs ou par Costa-Gavras interposés, jusqu’à être récompensés du Magritte du meilleur film étranger en coproduction pour L’exercice de l’Etat de Pierre Schoeller (l’autre grand vainqueur du jour, près d’un an après avoir concouru aux César, ceci s’expliquant par le fait que l’année Magritte court d’octobre à octobre, pas un modèle de clarté, on en conviendra).

Pas de jaloux

Enfin, s’agissant également d’une opération de relations publiques, on ne pourra ici qu’en saluer la réussite, la soirée cultivant tout à la fois le sens du glamour et celui de l’irrévérence. A cet égard, le choix de Fabrizio Rongione comme maître de cérémonie était assurément une bonne idée, l’acteur trouvant d’emblée ses marques de Monsieur Loyal pour ensuite se jouer des pièges de ce type d’événement -pour peu, on en aurait oublié les quelques longueurs qui sont, il est vrai, la loi du genre, observée encore des César aux Oscars. Et puisqu’il était écrit que ces Magritte 2013 ne feraient pas de jaloux, il s’employa par ailleurs à dispenser équitablement ses traits d’humour caustique -jusqu’à la presse qui en prit pour son grade, lorsqu’il évoqua « le cinéma, cette belle chose inventée par les frères Lumière, et critiquée par des gens qui ne le sont pas toujours« . Au moins cela avait-il le mérite d’être bien dit; sans rancune, donc.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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