PEUT-ON DIRE QUE L’AGENCE MAGNUM EST UN RIEN BELGE PUISQUE LA SECONDE ÉPOUSE D’UN DE SES MEMBRES FONDATEURS AVAIT CETTE NATIONALITÉ? ON PLAISANTE À MOITIÉ.

La plus prestigieuse agence photo au monde a su croiser une idée maximale de photojournalisme et des ambitions artistiques jamais démenties. Et ce depuis 1947, à l’initiative de Robert Capa et de plusieurs « vedettes »du genre, dont Henri Cartier-Bresson. La Belge de Magnum, Martine Franck (décédée en août 2012), sera d’ailleurs la seconde épouse du grand Henri, défendant elle aussi une coopérative de photographes gérée par les photographes. Constituant un véritable trésor de guerre alimenté par une centaine d’heureux élus depuis sa fondation il y a 65 ans. Parmi la soixantaine de membres actuels, on compte trois actifs belges, Harry Gruyaert, John Vink et Carl De Keyzer, plus la jeune Gantoise Bieke Depoorter, « nominée »à l’Agence à l’été 2012. Une présence importante sachant qu’il n’y a -par exemple- ni Danois ni Hollandais chez Magnum.

JOHN VINK

NÉ EN 1948 À BRUXELLES, ÉTUDIE À LA CAMBRE, TRAVAILLE COMME PHOTOGRAPHE DEPUIS 1971. MEMBRE DE MAGNUM DEPUIS 1993, VIT DEPUIS 2000 AU CAMBODGE. IL NOUS ÉCRIT CECI DEPUIS PHNOM PENH.

« Magnum, à mon regret, n’est plus une agence de presse depuis des années, et les membres détenteurs d’une carte de presse (j’en suis et je m’accroche) se comptent sur les doigts d’une main. (…) L’avenir de la photographie documentaire n’est sans doute plus dans un usage éditorial classique, mais c’est surtout son mode de distribution qui est en train de changer. On semble se diriger vers une plus grande prise en mains des auteurs/producteurs de contenu du destin de leur travail. Ce travail a maintenant la possibilité de ne plus être soumis aux érosions provoquées par les grands groupes de presse, et c’est une très bonne chose car cela permet de produire avec une bien plus grande indépendance d’esprit. Avoir des lectures structurées et réfléchies du monde qui nous entoure, si possible avec un maximum de garanties éthiques, est plus indispensable que jamais au vu de la mer informe d’images qui nous submerge. Quant à savoir si Magnum sera à même de négocier le virage? J’ai des doutes. C’est une machine bien trop lourde et coûteuse pour cela, de par sa structure actuelle, générée par son très long passé, et les énergies qui vont dans le sens où il faudrait aller sont vite rattrapées et jugulées par le poids de l’Histoire. Je suis établi au Cambodge depuis 2000 après y avoir travaillé en 1989 et 1991. L’idée étant d’améliorer en profondeur mes connaissances sur un pays afin d’éviter une certaine superficialité de traitement (…) Ces douze années au Cambodge m’ont permis d’être confronté à tous les aléas d’un pays occasionnés par un développement débridé, dans une économie de marché sans scrupules, le tout dans un contexte politique local qui commence à faire froid dans le dos. J’y ai couvert le procès de « Duch », directeur du centre de torture S21 durant les Khmers rouges (travail qui sera publié bientôt sous forme d’application pour iPad), ainsi qu’une pléthore de problèmes sociaux dont notamment, et ce depuis douze ans, le problème de l’accaparement des terres. »

WWW.JOHNVINK.COM

CARL DE KEYZER

NÉ EN 1958 À COURTRAI, DIPLÔMÉ DU KASK DE GAND, TRAVAILLE COMME PHOTOGRAPHE DEPUIS 1982, MEMBRE DE MAGNUM DEPUIS 1994.

Ce Flamand quinqua s’est d’abord fait connaître comme fondateur d’une excellente galerie, la XYZ,combinant d’emblée un goût pour des terrains plutôt « exotiques ».D’où un travail en profondeur sur l’Inde et, plus encore, sur les territoires de l’est, à la charnière des considérables mutations qui y redessinent dans les années 80-90 les nouvelles donnes économiques et sociales: publication d’U.S.S.R. en 1989 et d’Homo Sovieticus la même année. De Keyzer s’est largement rapproché de sa base naturelle -la Belgique- mais en faisant un détour par le Congo (Belge), titre d’un impressionnant ouvrage paru en 2009. Une demi-douzaine de voyages et deux ans de travail pour remonter la généalogie de l’ancienne colonie de Léopold II, dans un état de délabrement désespérant. Carl De Keyzer -injoignable pour cause de voyage…- continue son périple où la mémoire est, forcément, sans fin.

WWW.CARLDEKEYZER.COM

BIEKE DEPOORTER

NÉE EN 1986 À COURTRAI, DIPLÔMÉE DU KASK DE GAND, BIEKE TRAVAILLE AVEC L’AGENCE FRANÇAISE TENDANCE FLOUE AVANT D’ÊTRE « NOMINÉE »À MAGNUM À L’ÉTÉ 2012, PREMIÈRE DES TROIS ÉTAPES VERS LE PLEIN MEMBERSHIP.

Bieke répond brièvement à notre premier mail de début décembre, disant qu’elle voyage aux Etats-Unis, sans beaucoup d’opportunité Internet. Ensuite, c’est silence radio. Et pour cause, elle remet chez l’Oncle Sam ce qu’elle a déjà fait chez les Tontons ruskofs: dormir chez l’habitant de régions non-urbaines, délaissées, pour mieux le photographier! Cette recherche particulière et culottée de l’intimité a donné Ou menya, ouvrage remarquéoù la Gantoise d’adoption emprunte le Transsibérien et se laisse aller aux rencontres. D’où ces images proches, dénudées -parfois au sens premier- imprégnées d’une forme tactile d’humanisme.

WWW.BIEKEDEPOORTER.BE

TEXTE PHILIPPE CORNET

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