A l’affiche du BIFFF, quatre films belges aux frissons garantis. Preuve que notre pays a trouvé dans ce genre de cinéma un filon de créativité.

ARTEFACTS

De Gilles Daoust et Emmanuel Jespers. Avec Mary Stockley, Felix Scott, Max Digby. 1 h 15.

L’encore très jeune et toujours entreprenant Gilles Daoust en est déjà à son troisième long métrage! Après Last Night On Earth et The Room, il s’attaque au thriller mâtiné de science-fiction avec le très mouvementé Artefacts. Coréalisé par Emmanuel Jespers (le court-métrage remarqué Le Dernier rêve), tourné en 10 jours avec un budget de 100 000 dollars, le film narre les mésaventures d’une jeune femme d’affaires qui voit avec terreur ses amis et associés se faire assassiner par… leur double. La police s’avoue perplexe devant cette série sanglante, d’autant qu’on a retrouvé, inexplicablement, un objet métallique (un artefact) dans le corps de chaque victime. Kate Warner devra renouer avec son ex-petit ami pour chercher elle-même la solution à une énigme qui risque à chaque instant de lui coûter la vie.

Sur un scénario qui aurait pu nourrir un épisode de X-Files, Daoust et Jespers font leurs gammes de cinéastes de genre avec une belle énergie, une efficacité certaine. Filmant de jeunes comédiens anglophones, les deux réalisateurs belges affichent des aptitudes qui pourraient leur valoir l’intérêt de producteurs américains en quête de nouveau talent. Mais il manque à l’haletant Artefacts la touche d’originalité, d’authenticité, qui pourrait le singulariser. Même dans le genre le plus codé, l’audace peut payer. Ce ne sera pas cette fois-ci.

NOTHING SACRED

De Dylan Bank et Morgan Pehme. Avec Alan Barnes Netherton, Naama Kates, Thierry Lhermitte. 1 h 40.

Improbable coproduction belgo-américaine, Nothing Sacred met en scène deux jumeaux (un garçon et une fille) qui sillonnent la planète à la recherche de leur père… pour mettre fin à ses jours. Le paternel en question entend en effet devenir un dieu, ambition qui lui a fait massacrer sa femme et ses autres enfants!

Ecrit, produit, mis en scène et monté par deux jeunes cinéastes venus présenter à Bruxelles leur premier opus Nightmare voici deux ans, le film multiplie les lieux de tournage, les scènes d’action et les clichés qui s’y ramassent à la pelle. Prophéties, sorcellerie, incantations, alchimie, possessions, mythologie (avec un Minotaure), quête mystique, rêves de domination du monde et d’immortalité: le catalogue est impressionnant, comme la distribution où l’on retrouve notamment Philippe Nahon ( Seul contre tous) et Thierry Lhermitte en maire de Paris devenu candidat à la présidence de la république française…

Pimenté de séquences de combats singuliers et de moments plus ou moins coquins, Nothing Sacred fait alterner l’efficace et le maladroit, le premier degré assumé et le second degré involontaire. Etrange objet que ce film assurément plus riche en spectacle que son budget ne semblait l’y autoriser, et dont certaines scènes se déroulent dans le centre de notre capitale.

www.nothingsacredmovie.com

I AGAINST GHOST

De Jo Smets. Avec Jo Smets, Julie Van Geluwe, Unborn Lola Billie Smets. 1 h 30.

Premier long métrage belge à concourir dans la section 7e Parallèle (la plus « pointue »), I Against Ghost nous emmène sur les traces d’un fantôme tourmenté. Certes, la créature éprouve le pouvoir que lui confère la peur des autres, cette terreur qu’il inspire lors de ses sorties nocturnes. Mais il aspire surtout à ne plus être ce qu’il est, à échapper à sa condition de revenant. Et pour y parvenir, il doit se remémorer ce qui a causé son trépas puis son errance post-mortem.

Si son thème et son récit à la première personne rappellent un peu la formidable nouvelle de Richard Matheson Journal d’un monstre, le film de Jo Smets trouve son inspiration formelle dans les £uvres fantastiques d’un Friedrich Wilhelm Murnau ( Nosferatu), d’un Carl Theodor Dreyer ( Vampyr) et du David Lynch des débuts. Aux confins du cinéma expérimental, il offre une expérience poétique tantôt inquiétante et fascinante, tantôt répétitive et inutilement cryptée. Le réalisateur se place lui-même dans la peau du fantôme déchiré jusqu’au plus profond de l’âme. Entre rêverie expressionniste et enquête philosophique, il signe un essai audacieux, étonnant, rythmé par des musiques bien choisies de Plastikman (Richie Hawtin), Howard Shore, Béla Bartók et Barry Adamson (l’ex-bassiste du groupe Magazine).

LE PRINCE DE CE MONDE

De Manu Gomez. Avec Jean-Claude Dreyfus, Lio, Laurent Lucas. 1 h 40.

Second long métrage de Manu Gomez, Le prince de ce monde est inspiré d’un roman de Maxime Benoît-Jeannin, Le choix de Satan. Et s’appuie sur un fait divers sordide survenu dans l’est de la France en 1956. Un prêtre y avait en effet tué sa maîtresse enceinte, avant de l’éventrer pour baptiser leur bébé et l’achever à son tour.

Revue par Manu Gomez, l’histoire devient celle d’un prêtre de village (Laurent Lucas) détourné du droit chemin par une secte sataniste (conduite par Jean-Claude Dreyfus) et une nymphomane (Lio). Ayant goûté au fruit défendu, le voilà engagé dans une spirale infernale, au gré d’un drame fantastique aux accents surréalistes, relevé d’un sous-texte à dimension « sociale ». « Le film articule une lutte entre les dignitaires de l’Eglise, corrompus, et les petits curés, dépositaires de la Foi », explique son réalisateur. Non sans ajouter : « Le propos est un brin délirant, mais complètement dramatique. Sans prétention aucune, le film est plus proche d’un David Lynch ou d’un Bunuel que de la comédie. »

Doté d’un budget modeste (1,5 million d’euros), Le prince de ce monde a été tourné en pellicule cinéma:  » Je suis allergique à la vidéo, explique Manu Gomez. Je voulais un noir profond, velouté. Je n’aime pas le côté ultralisse de la vidéo, on est plus dans l’humain.  »

L.D.; J.F. PL.

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