TRENTE ANS APRÈS, LE GUERRIER VENGEUR ET SOLITAIRE TRAÎNANT SES GUÊTRES DANS UN FUTUR EN RUINES LIVRÉ AUX APPÉTITS BARBARES EST DE RETOUR SUR LES ÉCRANS. LES ANTI-HÉROS NE MEURENT JAMAIS.

« A few years from now… » En amorce de l’épisode originel de 1979, l’indication électrise le poil à la manière du fameux « A long time ago in a galaxy far, far away… » ouvrant chacun des Star Wars. Dans un futur proche, donc, Max Rockatansky est flic, du genre tête brûlée, et a fort à faire avec la vermine sans foi ni loi qui prolifère sur le macadam à deux voies d’un monde au bord du gouffre, profitant du climat délétère de l’époque pour semer terreur et désolation sur son passage. L’heure est au chaos en effet, après que les grandes nations sont entrées en guerre pour le pétrole, entraînant la révolte d’une populace en surchauffe. L’agression sauvage de son coéquipier, d’abord, puis la cruelle exécution de sa femme et son bébé vont bientôt faire basculer Max dans la folie vengeresse. Condamné à l’errance et au désenchantement, il est désormais Max le furieux, « Mad » Max.

L’histoire est connue, et a depuis largement fait florès. A la fin des années 70, Mad Max, premier du nom, n’en est pas moins un choc brutal, à la virtuosité graphique carrément inédite. Stylé comme un comic book dessiné en enfer, le premier long de l’Australien George Miller ose l’imagerie barbare mais jamais grand-guignol d’un western futuriste sur roues où le cow-boy solitaire a laissé place au justicier en cuir noir. Dans le rôle-titre, Mel Gibson, gueule d’amour fracassée sur l’autel de l’ultraviolence, fait merveille: il réendossera à deux reprises le costume du guerrier à la détermination glacée qui le révèle au monde. Conducteur fou d’un camion-citerne convoité par une bande d’affreux, sales et méchants knight riders au look de gladiateurs consanguins dans Mad Max 2: The Road Warrior (1981), il passe de loqueteux cravachant les pieds dans la merde de porc au statut d’improbable prophète pour une poignée de mioches en quête de salut dans le plus héroïque et bien-pensant, mais pas moins dégénéré, Mad Max 3: Beyond Thunderdome (1985).

Métal hurlant

Trente ans plus tard, c’est Tom Hardy (Bronson, Locke) qui reprend le flambeau dans Mad Max: Fury Road (sortie le 14/05), quatrième opus d’une licence toujours pilotée par le désormais septuagénaire George Miller. Le gage d’une réussite s’inscrivant dans la glorieuse lignée de ses prédécesseurs? A voir. Le signe en tout cas que la saga tente de rester fidèle à l’ADN de sa mythologie séminale, empruntant aussi bien à la tradition antique -la fameuse roue de la fortune du troisième épisode- qu’à la culture populaire de son temps -on pense pêle-mêle à l’asphalte speedé et anxiogène d’Easy Rider, de Vanishing Point ou de Duel,à la sauvagerie sadique de A Clockwork Orange ou de Deliverance, voire même au boxon dystopique du… Jeremiah de Hermann, dont le premier tome est sorti lui aussi au mois d’avril 1979. Soit une certaine idée du vertige -celui de la vitesse comme celui du néant.

Avec ses enfants tueurs ou tués, ses corps cramés et mutilés, son esthétique punk-trash sans concession et sa morale flottante arrosée de désespérance, la trilogie culte carburait à une essence plus rare encore que cet or noir à même de faire courir toute la racaille du désert comme un élevage de poulets sans tête: la radicalité. En partie inspiré par le choc pétrolier de 1973, cet opéra nihiliste en trois actes élevait notamment sans ciller ses engins de mort motorisés en objets de fascination quasiment fétichiste, amas de métal hurlant copulant en carambolages orgiaques de Hot Wheels géantes. A l’heure de la demi-molle généralisée, du reboot pantouflard et de la franchise reine, le nouveau Fury Road tiendra-t-il toutes les promesses de son fulgurant trailer? Réponse en salles dans quelques jours.

MAD MAX: FURY ROAD. DE GEORGE MILLER. AVEC TOM HARDY, CHARLIZE THERON, NICHOLAS HOULT. 2 H. SORTIE: 14/05. LIRE LA CRITIQUE SUR WWW.FOCUSVIF.BE DÈS LE MATIN DE LA SORTIE DU FILM.

TEXTE Nicolas Clément

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