Le 17 mai, le concert Belga-Vox réunit à l’Atomium le gratin musical belge – flamand et francophone – pour manifester son désir de solidarité nationale. Et c’est gratuit.

Il y a un an environ, naît l’idée de rassembler un plateau de musiciens belges pour dire que la Belgique – alors sans gouvernement – n’est pas qu’un pays dévoré par les petites haines et les grandes mesquineries. Marc Moulin est, entre autres, à l’origine de cette envie de redonner une certaine valeur symbolique à la musique, en la positionnant comme ferment de  » solidarité, dialogue, respect, convivialité et diversité culturelle ». Des mots qui sont repris aujourd’hui dans le programme de l’asbl Belga-Vox. Moulin, créateur polymorphe et Belge par essence, n’aura pas le temps de voir son désir solidaire se propager, il meurt fin septembre 2008. Mais ses compagnons de route, des musiciens comme Baloji, Stijn Kolacny (Scala) ou Daan, le syndicaliste Stéphane Galon, le journaliste Jan Hautekiet, finiront par trouver finances et énergie nécessaires pour monter ce  » Belgian Aid » dans un endroit on ne peut plus symbolique, l’Atomium. Un groupe maison – De Laatse Showband – accompagnera la plupart des quarante artistes dans un concert qui est autant une célébration qu’un acte d’engagement. A de rares exceptions près – Tom Barman/dEUS ne trouvant pas le projet assez clair… – tous les musiciens belges d’importance seront là: d’Arno à Jef Neve, de John Ghinzu à Marie Daune des Zap Mama. Sans oublier le grand-père terrible, Toots « Jazz » Thielemans qui jouera avec Rocco Granata, dans l’esprit du jour, celui des duos Nord-Sud… Quatre participants exposent, avec un certain réalisme, la raison de leur participation.

www.belgavoxconcert.be

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1. Daan

Louvaniste venu habiter à Bruxelles, vit avec une francophone, a deux enfants bilingues

Dans mon cas, la participation était évidente parce les enjeux de Belga-Vox me préoccupent. Je vis à Bruxelles, j’ai des enfants dans des écoles des deux côtés, je joue avec des musiciens des deux côtés, je ne sais pas d’ailleurs si on doit employer le mot « côté »… En musique, il n’y a pas de frontières linguistiques. Et puis, les studios d’enregistrement, les maisons de disque, n’ont pas de langue spécifique. Un do est toujours un do, y compris en portugais! (rires) Ecouter de la musique est déjà en soi un acte positif parce qu’avec elle, tu entres par la bonne porte chez les gens! Il n’y a pas de morale là-dedans, juste un acte de tolérance. L’idée du duo? Moi, je veux bien chanter en français et je trouverais chouette que l’autre chante en néerlandais! On m’a téléphoné pour faire un truc avec Dan Lacksman (Telex), pour avoir une présence de Marc Moulin là-dedans, avec l’esprit que Marc a laissé.

2. Odieu

De nationalité hollandaise mais a grandi à Bruxelles. L’ enfant terrible de la scène belge depuis près de trente ans, travaille actuellement au second album de sa comparse Victoria Tibblin

On m’a d’abord proposé de faire un duo avec Roland Van Campenhout ( ndlr: célèbre bluesman flamand, copain d’Arno) sans rien me dire du contexte et j’ai accepté, même si je doute un peu de l’impact de ce genre d’événements. Ces temps-ci, le bon peuple belge a d’autres priorités, comme la crise économique! D’ailleurs, le discours de la classe politique est beaucoup moins vindicatif, on n’entend plus trop parler de cette sécession belge… Le fait d’affirmer ce mariage flamand-francophone, c’est gentil, sympathique, un peu boy scout. Mais chaque fois qu’on affirme une volonté unitaire, je crains qu’on apporte de l’eau au moulin du séparatisme, qu’on donne une note de résonance à un débat qui n’a plus lieu d’être… On va quand même devenir deux Régions de l’Europe avec une capitale européenne, qui sera Bruxelles… Qu’on soit Flamand ou francophone, est-ce que cela changera quelque chose dans dix ans?

3. John Ghinzu

Bruxellois francophone, avec Ghinzu, tourne aussi en Flandres

A l’heure actuelle (28 avril), je ne sais pas encore si je vais participer mais j’adhère au principe de l’événement, j’aime beaucoup la Belgique. Quand on a tourné avec les Flamands de Black Box Revelation, c’était très agréable et on mangeait ensemble à la même table. J’ai l’impression qu’il s’agit de deux cultures différentes dans un même pays! C’est une richesse que de savoir s’entendre dans un monde où il y a de gros malentendus sur la table. Quand je suis à Anvers, je sens que je suis dans mon pays, cela fait partie de moi. La Belgique est une culture en soi… un pays à part, un peu soumis à une certaine absurdité, y compris dans l’art, qui est… magrittien. Le rock est universel, ce n’est pas pour rien qu’il a été exporté des Etats-Unis, il transcende les frontières. Ceci dit, je ne fais pas de la musique comme levier politique, je fais de la musique pour que les gens s’évadent!

4. Baloji

Né au Congo, devenu citoyen belge. Francophone, il vit avec sa compagne flamande et sa fille à Gand. S’est fait connaître en Flandres avec son ex-groupe Starflam

Je me suis retrouvé sur ce projet au printemps 2008. Au décès de Marc Moulin, tout a été suspendu mais j’étais déjà impliqué. Mon expérience personnelle? C’est pour cela qu’ils m’ont demandé d’être porte-parole! En vivant à Gand, je peux dire que suis sûr que la Flandre va atteindre son objectif de fédéralisme: là-bas, déjà l’idée de la Belgique semble obsolète. Pas mal de citoyens flamands pensent que sans la Wallonie, la Flandre serait Monaco. Je pense que les compétences nationales d’aujourd’hui viendront au régional… Je suis allé à Barcelone et j’y ai vu beaucoup de similitudes avec la Flandre: une langue qui a des difficultés à se préserver, donc un désir de vivre en autarcie… Mais Belga-Vox, c’est un beau moment d’unité.

Texte Philippe Cornet

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