LE PREMIER WEEK-END DE DÉCEMBRE, LES « PROPRIÉTAIRES » DU KREUN COURTRAISIEN CONFIENT LES CLÉS DE LEUR MAISON À SUUNS, CURATEUR DU 6E SONIC CITY. OU QUAND DES COMMISSAIRES PRENNENT LES FESTIVALS EN OTAGE…

Les bidouillages de Fuck Buttons, le kraut de Beak>, la musique étranglée de Clinic et la déflagration Swans… Sur papier, la cinquième édition du festival Sonic City a méchamment de la gueule. Comme d’habitude, elle se promène en dehors des sentiers trop souvent battus. L’équipe du Kreun à Courtrai est connue pour sa programmation pointue mais son événement de deux jours et de seize concerts, ce sont les Canadiens de Suuns qui en ont dressé le line-up.

Sonic City fait appel à des curateurs. Le principe? Plutôt que de concocter eux-mêmes l’affiche de leur festival, les programmateurs donnent carte blanche à un artiste ou un groupe qui l’établit en fonction de ses goûts et amitiés musicales. Au final, c’est un peu une mix tape vivante. Une plongée dans sa collection de disques.

« Quand on a lancé l’événement, c’était dans l’esprit du festival All Tomorrow’s Parties, avance Tom Vangheluwe, programmateur du Kreun. Mais aussi de ce qui se fait dans le monde du théâtre et des arts plastiques depuis longtemps déjà. Inviter un spécialiste à sélectionner, à proposer, à recommander des choses qui lui plaisent et l’interpellent. Et dans la musique, les spécialistes, ce sont les musiciens.  »

Comment ça marche, Sonic City?, vous demandez-vous l’oreille curieuse. Au long cours. Suuns a envoyé une première liste élargie de ses groupes favoris au mois de mars. « Je demande tout ce à quoi les curateurs pensent. Je rétrécis ensuite en fonction de ceux qui veulent vraiment venir. Puis aussi des tournées, des disponibilités. A partir du moment où nous accordons notre confiance, nous laissons une liberté artistique totale. »

Leonard Cohen et Portishead…

La mode du « curated by » dans la pop et le rock trouve ses origines dans le Bowlie Weekender emmené par Belle & Sebastian fin avril 99 au camp de vacances de Pontin à Camber, dans le Sussex. C’est cet événement, où Stuart Murdoch et sa bande ont invité Mercury Rev, Jon Spencer, les Flaming Lips, Godspeed ou encore Mogwai il y a treize ans, qui a inspiré le All Tomorrow’s Parties au promoteur Barry Hogan. Le fameux ATP, même s’il n’a pas les reins bien solides (il fonctionne sans sponsor), est, de l’aveu de tous ceux qui y ont mis les pieds, le nec plus ultra en matière de festival.

Pourquoi les milieux de l’art et du théâtre ont-ils plus souvent recours à des curateurs que le marché du concert? Peut-être parce que la musique a une image plus populaire et accessible que ces autres disciplines. « Nous, nous voulons des curateurs aux goûts éclectiques. Pas question d’un groupe de metal monomaniaque. On veut toucher à la pop, au rock, à l’électronique, au jazz. »

La première édition de Sonic City remonte à 2007. La salle flandrienne avait accordé sa confiance à Aldo Struyf et Tim Vanhamel de Millionaire. « C’était un coup d’essai. Ça nous semblait raisonnable de commencer avec un groupe belge. Mais on s’est dit qu’on arriverait très vite aux limites de ce genre d’initiatives si nous ne partions pas à l’international. » Dalek (2009), Deerhoof (2010), les Liars (2011)… Le Kreun peut se targuer d’un joli parterre de curateurs. « Suuns est plus nouveau dans le circuit et le paysage. Nous voulions quelque chose de frais et qui nous parlait. Nous n’avons jamais rencontré de difficultés à trouver ces programmateurs d’un week-end. Les artistes sont honorés et heureux de pouvoir participer à pareil projet. Tout le monde ne rêve-t-il pas de tenir les rênes de son propre festival? »

Certains se laissent d’ailleurs aller à des demandes un peu trop ambitieuses pour la petite jauge du Kreun. Les Liars avaient glissé dans leur sélection le nom de Radiohead. Suuns a tout de même épinglé Leonard Cohen et Portishead. « On a pu lui offrir Beak>. Le groupe de son cerveau Geoff Barrow. On cherche des solutions. »

Who loves the Suuns?

Le danger avec les curateurs, c’est évidemment qu’ils insistent pour attirer des artistes n’entrant pas vraiment dans la philosophie du festival ou déplaisant fortement à ses organisateurs. Dans une interview accordée au Clash Magazine, Barry Hogan avouait par exemple être bien content que Snow Patrol ait décliné plusieurs offres. « Dieu merci, ils n’étaient pas dans le coin. Je sais qu’ils sont venus lors de la première édition. Mais c’est quand ils se prenaient pour Sebadoh, pas pour Coldplay. » Il s’étonnait aussi qu’on lui ait demandé d’inviter Lily Allen.

Plus que le ATP, Sonic City joue la carte de la découverte. « Il y a toujours des groupes que personne ne connaît et dont tout le monde parle à la fin du festival. Dirty Projectors n’était jamais venu sur le Vieux Continent. Et Hoquets a donné l’un de ses premiers concerts lors de l’édition programmée par Deerhoof qui ne voulait proposer que des groupes européens. » Alors, Who loves the Suuns?

?SONIC CITY, LES 01 ET 02/12 AU KREUN (COURTRAI).

?WWW.DEKREUN.BE

?SAMEDI: FUCK BUTTONS, SUUNS, DEMDIKE STARE, NAYTRONIX, HAN BENNINK, EACH OTHER, JERUSALEM IN MY HEART, VALLEYS. AFTERPARTY WITH DJ FITZ.

?DIMANCHE: SWANS, BEAK>, TIM HECKER, CLINIC, THULEBASEN, SIR RICHARD BISHOP, MATANA ROBERTS, LUCRECIA DALT.

TEXTE JULIEN BROQUET

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