L’oreille verte

En 1976, Mort Garson sortait un album censé aider les plantes à pousser. Devenu entre-temps culte, Plantasia est aujourd’hui « rempoté ». Begonias like this.

A priori, voilà un disque qui ne vous est pas destiné. À moins que vous ne passiez vos journées, enraciné dans un pot, à pratiquer la photosynthèse. Sorti en 1976, Mother Earth’s Plantasia a en effet été conçu pour aider les plantes à grandir le plus harmonieusement possible. Zinzin? Plusieurs expériences ont pourtant montré ces dernières années que les végétaux réagissaient en effet aux sons. Dans le courant des années 70, à la suite du flower power hippie et de la vague psychédélique, c’était déjà une évidence pour certains. Notamment pour Joel Rapp et sa femme Lynn. Au début des seventies, le couple fuit le brouhaha d’Hollywood, délaissant sa carrière dans l’industrie de la télé et du cinéma, pour commencer une nouvelle vie. Ils ouvrent le Mother Earth Plant Boutique, sur Melrose Avenue, à Los Angeles. Alors que la tendance des plantes d’intérieures est en plein boum, le magasin devient rapidement une des adresses incontournables de la ville. C’est aussi l’époque où La Vie secrète des plantes de Peter Tompkins et Christopher Bird devient un best-seller -au point d’inspirer un documentaire qui bénéficiera d’une bande originale composée par Stevie Wonder en 1979.

La vie secrète des plantes

Dans leur ouvrage, au milieu de certaines idées parfois mystiques, Tompkins et Bird suggèrent déjà que les plantes perçoivent les sons. Dans sa boutique, Joel Rapp a donc l’idée de commander une musique, qui lui servirait à la fois pour entretenir ses végétaux, et comme outil promotionnel pour sa petite entreprise. Il s’adresse alors à Mort Garson.

D’origine canadienne, le compositeur a débuté sa carrière en pondant des arrangements pop pour des artistes comme Cliff Richard, Brenda Lee ou, par la suite, Doris Day. C’est en 1967 que son destin musical bascule. Lors d’une convention, il fait la rencontre de Robert Moog, inventeur du fameux synthétiseur. Il découvre alors les possibilités infinies du nouvel instrument. Obsédé par les sons synthétiques, Garson ne le lâchera plus jamais. Entre deux génériques télé et une musique de pub, le musicien sortira un premier essai autour des signes du zodiaque (1967), une parodie du Magicien d’Oz (1968), ou encore une messe noire ( Black Mass Lucifer, en 1971), avant de se pencher donc sur la vie des plantes.

L'oreille verte

À l’époque, le Plantasia de Garson passe largement inaperçu. Comme souvent, ce sont les diggers et les collectionneurs qui vont le ressortir de l’oubli. DJ Shadow, par exemple, le samplera sur son classique Endtroducing… en 1996. Alors que sa cote avait tendance à s’envoler sur Discogs, il est aujourd’hui réédité pour la première fois. Bien sûr, ses sons synthétiques n’ont plus la même « modernité » new age qu’ils pouvaient avoir à l’époque de leur sortie. Dans leur naïveté un peu surannée ( Symphony for a Spider Plant) et leur loufoquerie désuète ( You Don’t Have to Walk a Begonia), ils ont toutefois gagné une bizarrerie et un décalage qui les rendent étrangement fascinants.

Mort Garson

« Mother Earth’s Plantasia »

RÉÉDITION Distribué par Sacred Bones Records.

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