Loin du corps

de Léa Simone Allegria, éditions du Seuil, 267 pages.

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Adrienne, un mètre 77, 46 kilos, 82-60-92, est avant tout une « gueule ». Enfance provinciale, famille modeste, bourrée de certitudes… La disparition de son frère jumeau ajoute à son instabilité et en fait une proie fragile pour les vautours de la mode. Master en Lettres, École du Louvre: l’avenir aurait pu être plus prometteur pour cette jeune femme qui ne fréquentait que les oeuvres artistiques. Mais elle est belle et, sur un coup de tête, elle signe un contrat avec une agence de mannequinat. Commence alors une vie luxueuse faite de servitudes, d’humiliations et de régimes drastiques. L’esprit et le corps se désolidarisent et elle devient un « cintre », porteur de vêtements somptueux aux mains de quelques bonzes arrogants. Voyages, alcool, drogues, médicaments lui donnent l’illusion que tout est « so exciting » et « fantastic ». « Lovely », « awesome », « great ». Progressivement, Adi s’enlise dans ce monde à la fois glamour, cruel et absurde que seul le paraître dirige. Léa Simone Allegria sait ce dont elle parle: elle a défilé pour les plus grands. Heureusement, comme Adrienne, ses références artistiques et esthétiques lui ont permis de sortir de cette aliénation. Elle porte un regard lucide sur les coulisses de ce monde factice où les gens ne vivent que par le miroir que leur tendent les autres. Quand Louboutin chausse la Vénus de Milo, quand Dior habille Olympia, le jugement critique devient plus délicat.

M-D.R.

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