LAMBERT WILSON SE RÉINVENTE RÔLE APRÈS RÔLE, DÉSORMAIS TOTALEMENT DÉSINHIBÉ, DANS DES COMPOSITIONS FORTES ET JUSQU’AU-BOUTISTES, POUR NOTRE PLUS GRAND PLAISIR.

Interviewer Lambert Wilson sans évoquer son excentricité, ce serait comme interviewer Pasteur sans aborder le sujet du vaccin contre la rage! Au mot d’atypique (« Tous les acteurs le sont par essence, ou devraient l’être, c’est la moindre des choses pour faire ce métier!« ), il préfère ce terme aussi peu souvent pratiqué en France qu’il est prisé dans cette Angleterre où il suivit sa formation en art dramatique de 16 à 20 ans. A l’heure où sort Alceste à bicyclette, nouvel exemple de sa faculté de surprendre après sa performance attachante en… ours dans Ernest et Célestine, l’acteur français nous livre quelques considérations piquantes sur sa manière particulière de conjuguer art et plaisir… « J’ai toujours aimé l’excentricité, et la liberté qui l’accompagne, confie-t-il, plus encore ces dernières années où j’ai perdu les quelques dernières inhibitions que je pouvais encore avoir. Si je suis aujourd’hui capable de partir dans plein de directions à l’écran, c’est parce que j’en suis d’abord capable en moi-même. Car il me faut toujours établir une connexion entre le personnage et moi, qu’il y ait des fils qui nous raccordent l’un à l’autre. Mais quel bonheur de pouvoir partir avec mon piolet, à l’affût de personnages on ne peut plus différents les uns des autres. Quel plaisir de tourner dans des langues différentes (je viens de faire un film en italien et un autre en anglais)! » Fabrice Luchini, son brillant partenaire d’Alceste à Bicyclette, lui a expliqué qu’ils étaient de deux écoles totalement différentes: « Fabrice s’empare du rôle, il le fait sien totalement, tout part de lui et parle de lui, il est la matière du film! Moi, en revanche, je suis un de ces acteurs qui aiment se transformer, qui aiment composer. Je ne tire pas le rôle à moi, j’essaie d’aller vers le rôle. C’est la tradition anglaise et elle me plaît. Car je n’ai pas de fascination particulière pour moi-même. J’ai du mal à savoir ce que je suis, j’ai même une fainéantise à me poser la question, malgré des années d’analyse… J’essaie de trouver un objet sur lequel je puisse utiliser ce vécu qui est le mien… pour réussir un personnage qui est loin de moi! »

Lambert Wilson fait sienne l’affirmation de Ben Kingsley, digne représentant de la tradition excentrique britannique, selon laquelle « on devient acteur non pour montrer qui on est mais pour le masquer, la plus sûre cachette étant… en pleine lumière« . « Je revendique totalement cette idée, clame le comédien français, quand je suis au milieu de la scène, sous les spots ou en gros plan à l’écran, vous croyez me voir mais vous ne me voyez pas! » Et d’évoquer ces collègues « dont le goût forcené d’être au centre, de se montrer, de tirer la couverture à eux« , l’ont fait souffrir. A commencer par son géant de père, Georges Wilson (1), « qui devait rayonner, qui voulait absolument que la lumière soit sur lui, et qui n’avait pas envie de la partager du tout…  »

Peintre frustré

Wilson Junior se définit en « peintre peut-être frustré, dont chaque rôle est une tentative de tableau, un assemblage de matières et de couleurs« . Avec un sourire, il pense que son autoportrait (qu’il ne peindra jamais) le présenterait « comme une sorte d’ectoplasme étrange« . L’acteur a « besoin de stimuli forts, pour chasser l’ennui« . Des stimuli comme l’appel à prêter sa voix à l’ours rebelle du merveilleux Ernest et Célestine (« C’était ardu de travailler à partir d’un matériau sommaire, d’une animation à peine esquissée au départ, mais la délicatesse, l’émotion, l’humanité, l’éloge de la différence, étaient déjà palpables« ), ou la proposition de faire un numéro transformiste dans Sur la piste du Marsupilami. Qui d’autre que lui aurait pu réussir aussi formidablement la scène de chant et de danse en travesti sur la musique de Queen? « De manière intéressante et rigolote, le rôle avait été proposé à… Fabrice Luchini, qui a refusé!« , s’amuse Lambert Wilson qui a d’emblée « adoré dans le scénario cette scène si audacieuse, si colorée, si gonflée« . « Je me suis précipité pour qu’ils ne prennent personne d’autre, conclut Wilson, car ça, je voulais le faire et je savais que je pourrais le faire! Je suis continuellement à la recherche de choses aussi stimulantes, qui me permettent de faire des variations, d’ouvrir en moi une autre boîte, d’où je vais faire sortir le fil. Avec pour résultat (et ça m’énerve!) que des gens viendront me dire: « Ah bon, vous savez aussi faire ça? » Eh bien oui, je sais faire ça, je sais passer de Des hommes et des dieux au Marsupilami. La belle affaire! Ce n’est pas non plus comme si j’étais allé sur la Lune, quand même! »

(1) REMARQUABLE COMÉDIEN ET METTEUR EN SCÈNE AMBITIEUX, NÉ EN 1921 ET DÉCÉDÉ EN 2010.

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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