Sophie Barthes fait de jolis débuts avec le surprenant et surréalisant Cold Souls. Un film (littéralement) plein d’âme(s), que joue à merveille l’excellent Paul Giamatti.

Elle est jeune, française de naissance et new-yorkaise d’adoption. Sophie Barthes signe un premier film étonnant, intelligent, drôle et amer à la fois. Un film qui met en scène le comédien Paul Giamatti dans le personnage d’un… comédien nommé Paul Giamatti. De quoi générer aux Etats-Unis des comparaisons abusives avec Being John Malkovich. Cold Souls n’a pourtant pas grand-chose à voir avec le film de Spike Jonze. Cette histoire d’âmes détachées du corps et faisant l’objet d’un trafic international traite un sujet très singulier dans une forme directe et jamais maniérée ( voir notre critique en page 32). Cette façon d’aborder l’étrange avec réalisme s’inscrit dans une ligne surréaliste où s’illustra par exemple Luis Bunuel. Un des cinéastes préférés de Sophie Barthes.

Comment vous est venue l’idée de Cold Souls? Et pourquoi cette idée s’est-elle imposée pour un premier long métrage?

Dans un premier film, on met généralement tout ce qu’on a, et des ambitions peut-être irréalistes ( rire). Cold Souls vient de mon inconscient, de plein de choses que j’aime: les surréalistes, le théâtre de l’absurde, Woody Allen. Tout a commencé par un rêve, où Woody Allen était devant moi, avec entre les mains une boîte. Nous étions dans une salle d’attente, et du bureau adjacent est sorti un docteur parlant de l’extraction des âmes, et qui a ouvert la boîte dans laquelle il y avait… un pois chiche! Je me suis dit « Mon dieu, Woody Allen est mon idole et son âme est un pois chiche! » ( rire). Au réveil, j’ai noté mon rêve et je me suis dit qu’il y avait là matière à faire un court métrage. Je lisais justement beaucoup de Jung (1) à cette époque, et tout ça s’est nourri pour finalement s’élargir aux dimensions d’un long métrage.

Comment êtes-vous passée de Woody Allen à Giamatti?

J’ai pensé bien sûr, au tout début, à contacter Woody Allen. Mais c’était une idée totalement irréaliste et je l’ai vite abandonnée. Paul Giamatti était une évidence. Pour l’avoir vu et aimé dans American Splendor et Sideways, je pressentais qu’il serait parfait dans le rôle du comédien qui se débarrasse de son âme pour chasser ses tourments. J’ai écrit pour lui, sans rien lui dire, puis je lui ai envoyé le script. S’il avait refusé, tout s’effondrait, car le projet était, à mes yeux, impossible sans lui. Aux Etats-Unis, en tout cas. En cas de refus, j’aurais peut-être tout réécrit pour la France, avec en tête Mathieu Amalric…

Le style visuel du film est plutôt réaliste, alors que l’histoire contée nous plonge dans l’imaginaire…

Les premières versions du scénario étaient beaucoup plus surréalistes, oniriques. Je suis progressivement et comme naturellement venue à une approche plus rationnelle, plus accessible. Entre autres parce qu’aux Etats-Unis, pour faire financer un premier film, il faut présenter quelque chose qui peut être compris d’un assez large public. On me disait d’aller vers plus de comédie, je voulais aller vers plus de mélancolie, et finalement il y a les 2, dans cette chose hybride qu’est Cold Souls ( rire).

Les surréalistes, Bunuel en tête, aimaient filmer avec réalisme les rêves les plus fous. David Cronenberg, qui prend aussi ses rêves comme point de départ, filme également avec un réalisme paradoxal…

Ce sont des cinéastes que j’aime énormément. Peut-être, au fond, donner le maximum de réalité à la représentation de l’imaginaire offre-t-il au spectateur une expérience plus intime, plus profonde, de ce dernier.

Votre film reste ouvert à l’interprétation. Chaque spectateur peut y amener ses propres questionnements existentiels. Avez-vous noté des réactions surprenantes?

Oui, notamment de la part de certaines personnes y voyant quelque chose de très religieux, alors que je ne suis pas religieuse moi-même et que je n’avais aucune intention dans ce sens. Un rabbin de Long Island, très enthousiaste, m’a même dit qu’il allait utiliser mon film dans ses sermons à la synagogue… De manière générale, les Américains tendent à voir du mysticisme là où d’autres n’en apercevraient pas. Pour ma part, je vois un film comme une peinture. Devant une toile, au musée, vous pouvez voir ou écouter ce qu’en dit le guide. Mais aussi, au contraire, simplement contempler la toile et être réceptif à ce qu’elle vous inspire, spontanément. C’est la manière de voir que je préfère. l

(1) Le psychanalyste Carl Jung auteur notamment

de L’Homme à la découverte de son âme.

Rencontre Louis Danvers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content