Sami Bouajila en Omar Raddad, le jardinier marocain analphabète « héros » malgré lui de l’affaire « Omar m’a tuer », il y a là, au bout de quelques plans à peine du film de Roschdy Zem, une impression d’évidence. Moins une question de mimétisme, d’ailleurs, que de vérité profonde, celle que le comédien tente d’apporter à chacun de ses rôles. « Ce qui m’importait, c’était de trouver l’authenticité de l’individu, de pouvoir proposer à Roschdy un personnage qui se tienne debout, et qui soit légitime », sourit-il, alors qu’on le rencontre dans un hôtel bruxellois.

Né à Grenoble dans une famille d’origine tunisienne, voilà une vingtaine d’années que Sami Bouajila a imposé son profil dans le cinéma français. L’affaire de quelques seconds rôles, d’abord, suivis, à compter de Bye-Bye de Karim Dridi en 1995, d’une série d’emplois qui, de Drôle de Felix en Faute à voltaire, imposent de l’acteur une image où éthique rime avec éclectique -un cap maintenu avec bonheur, de Kéchiche ( Indigènes, Hors-la-loi) en Salvadori ( De vrais mensonges); de Desplechin ( Léo en jouant « Dans la compagnie des hommes ») en Téchiné ( Les Témoins). « La grande variété de rôles, ça s’explique, raconte-t-il sans se faire prier. Quand j’ai démarré ce métier, on m’a vraiment bien fait comprendre que j’étais un Arabe. Moi, j’estimais être acteur avant tout. Ce truc d’Arabeet ce mal-être que l’Occident a pu avoir, et a certainement encore avec ça, ce n’était plus mon problème. On avait réglé cette affaire ou, du moins, on le croyait. J’ai fait une école nationale d’Art dramatique, l’école Jean Dasté, à Saint-Etienne où, derrière les grands textes, on défendait des valeurs humaines proches du peuple. J’ai tété cela. Après, au cinéma, alors qu’on me proposait des rôles qui se ressemblaient tous, il m’a tenu à c£ur de pouvoir à chaque fois développer un registre et une couleur différentes… «  Une forme d’exigence qui est aussi la marque de son parcours: « C’est entre soi et soi, observe-t-il. Moi, c’est une passion. Je suis très monomaniaque, obsessionnel, et il y a des rôles marathon qui le permettent, et d’autres où ça ne sert à rien de s’énerver. Il y a des rôles où moins on trouve de réponses, plus cela sert le personnage. Parce que la réponse se trouve sur la longueur. Et moi, j’adore ça.  »

En quête d’authenticité

S’agissant d’ Omar m’a tuer, Sami Bouajila évoque d’abord la complicité qui le lie à Roschdy Zem:  » Mon intérêt premier, il est là: continuer un parcours humain et artistique avec quelqu’un qui représente quelque chose de singulier pour moi. Et vice-versa. «  Quant à sa vision d’Omar Raddad, il l’a construite suivant sa méthode habituelle, en cherchant à trouver la psychologie et l’authenticité du personnage. Ce qui, dans le cas présent, passait par l’apprentissage de sa langue, et l’adoption de son intonation – » Ça donne l’assise« . Et si l’acteur se veut instrument au service du réalisateur – » Le propos lui appartient« , souligne-t-il-, la partition a néanmoins éveillé en lui des échos familiers:  » Omar ressemble énormément à mes parents, et à plein d’autres parents. J’en reviens à la simplicité du bonhomme, à ses valeurs humaines qui sont loin de celles que l’on peut connaître ici, avec la consommation et le reste. Ils ont leur propre rythme de vie, et ça me plaisait assez de mettre cela en avant: cela correspond à Omar, et j’ai cela dans ma chair.  »

J.F. PL.

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