Les quatre soeurs – La Shoah au féminin

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Film fleuve (environ dix heures dans sa version française), Shoah de Claude Lanzmann est le témoignage documentaire le plus solide, marquant et bouleversant sur l’extermination des Juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Totalement dépourvu d’images d’archive, Shoah, qui reposait sur les récits face caméra de rescapés et d’assassins, avait nécessité un travail de titan. Douze années de fabrication et 200 heures, pas moins, d’entretiens… Comme Sobibor, Le Rapport Karski ou encore Le Dernier des injustes, Les quatre soeurs résulte de ces désarmantes rencontres. Les mots et les images ont plus de trente ans mais leur force reste intacte. À l’époque, Lanzmann n’avait pas voulu incorporer les histoires déchirantes de ses tragiques héroïnes dans Shoah, révolté à l’idée de défigurer « ces protagonistes d’une trempe exceptionnelle ». « Les gens qui vivent dans la misère agissent comme des animaux. C’est un instinct, «  explique Ruth Elias qui fait l’objet du premier portrait et avait 19 ans au moment de sa déportation au camp de Theresienstadt. Ruth s’y est mariée, y est devenue infirmière. « Au moins deux ou trois personnes mouraient dans mes bras chaque nuit. » Elle doit emmener les cadavres. Finit par devenir cuisinière. « Je sentais que je devais me rapprocher de la nourriture. Survivre, ce n’est possible que si on mange… » Ruth raconte être tombée enceinte. Se rappelle avoir été numérotée, s’être retrouvée nue entassée dans une salle de douches… « On a eu de la chance. À la place du zyklon, c’est de l’eau qui a coulé. » Ruth a échappé cent fois à la mort. Le médecin SS Josef Mengele lui a fait bander les seins pour lui interdire de nourrir son enfant et découvrir combien de temps un bébé peut vivre sans nourriture…. Les questions sont simples. Courtes. Lanzmann est discret et le plan rapproché. Le dispositif peut sembler austère, on ne décroche pas une minute devant ces poignants monologues. La Puce joyeuse, le deuxième volet diffusé ce soir (les deux autres sont prévus pour le 30 janvier), relate l’histoire d’Ada Lichtman. Son père a été abattu, avec une trentaine d’autres hommes, dans les bois près de Cracovie. Les filles et les épouses sont parties enterrer les corps avec une charrette et un cheval. Ada, qui habillait des poupées d’enfants juifs pour les gosses de soldats allemands dans un camp de la mort, est l’une des 50 personnes qui ont survécu à Sobibor… On en a vu ces dernières années des documentaires, parfois très bien foutus d’ailleurs, sur la Seconde Guerre mondiale mais aucun n’a la force des ces films. De ces quatre longs et vibrants témoignages. Au plus proche des victimes pour véhiculer toute la monstruosité et la barbarie de leurs bourreaux.

Les quatre soeurs - La Shoah au féminin
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Documentaire de Claude Lanzmann.

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