Les 15 et 16 janvier, à Groningen, EuroSonic mettra la scène belge à l’honneur. L’occasion de se pencher, de South by Southwest aux Trans Musicales, sur le succès des festivals défricheurs.

On a tous une idée plus ou moins précise de ce que donnent les grands festivals d’été. On connaît moins les autres. Ceux qui donnent le « la », qui annoncent la couleur. Avec quelques mois voire quelques années d’avance sur les tendances. Certains les appellent festivals de découvertes. D’autres showcase festivals, festivals à caractère professionnel ou encore festivals à effet multiplicateur. Quand on parle de South by Southwest, du CMJ, d’Iceland Airwaves, de Popkomm ou encore d’EuroSonic (qui se déroulera à Groningen du 15 au 17 janvier et accueillera une petite trentaine de groupes belges), il faut pratiquement rassembler toutes ces étiquettes afin qu’elles prennent sens. Ces événements misent sur des artistes en développement, en devenir. Des groupes qui parfois n’ont pas encore d’album à leur actif mais que leur entourage rêve d’élever au rang de next big things. Leurs concerts se déroulent sous forme de showcases. Des présentations promotionnelles, courtes (souvent de l’ordre d’une demi-heure), organisées dans des cadres relativement intimes. Enfin, s’ils sont tous ouverts au grand public (idéal pour être dans le vent), ces festivals sont souvent accompagnés de conférences et accueillent un maximum de gens du milieu. Responsables de maisons de disques, agents, tourneurs, journalistes ou, comme Herman Hulsens, programmateurs. Herman travaille à l’Ancienne Belgique.  » Deux cents groupes nous sont grosso modo proposés chaque semaine. Il faut choisir, éliminer. Trouver ceux qui en valent ou en vaudront la peine. Ces rassemblements nous permettent de faire un premier tri. Ils sont aussi l’occasion de prendre les devants sur l’organisation des tournées. Nous essayons, à trois, de participer à une dizaine de showcase festivals sur l’année. »

L’an dernier, Herman s’est rendu à Austin, Texas, pour assister à South by Southwest. Un billet d’entrée coûte environ 500 dollars.  » J’estime que je peux y voir 50 groupes en cinq jours. Et disons que six ou sept figureront au final à notre affiche. Vu la programmation pléthorique, il en reste 1 350 sur lesquels je dois faire l’impasse. Des artistes qu’on a parfois déjà vus ailleurs ou qui ne nous intéressent pas.  » Et d’autres qui seront peut-être les stars de demain. Pour les groupes, nous y reviendrons, ces festivals promos sont de gigantesques loteries. Pour les programmateurs, ils ressemblent davantage à une course hippique. Le principe? Miser sur le bon cheval. Eviter les canassons.  » Cela demande pas mal de préparation. On va aux renseignements. Mais les maisons de disques, les agents ont beau t’envoyer des infos sur leurs poulains, les collègues te conseiller les groupes à ne pas rater, finalement, c’est parfois leur première partie qui crée la sensation. »

Programmation et réseau

Pour nombre de professionnels, EuroSonic est l’un des événements incontournables du genre. Il part du principe que les meilleurs muzicos ne se trouvent pas nécessairement aux Etats-Unis. Son ambition? Faire circuler les artistes européens sur le Vieux Continent. Notamment grâce à l’European Talent Exchange Program. Le principe est simple. Les festivals cotisent 1 000 euros par an. Somme qu’ils récupèrent si un groupe d’une autre nationalité présenté lors d’EuroSonic figure à son affiche. Avec un petit bonus quand un second s’ajoute à la liste.

En 2008, Dour a invité six artistes présents à Groningen. Parmi lesquels Chrome Hoof et The Hoosiers…  » Ce type de festival est ciblé électro commerciale, pop et rock, tempère Alex Stevens, programmateur du festival hennuyer. Il est donc fort compliqué pour nous, plus alternatifs et diversifiés, d’y réaliser tout notre shopping. Ils ne nous aident pas dans des domaines comme le métal, le reggae, la drum’n’bass. Pour ces styles, nous avons des personnes de référence. Nous nous renseignons auprès de spécialistes.  »

EuroSonic et ses cousins, qu’ils soient européens ou américains, ont d’autres atouts que leur flair à faire valoir.  » La réussite de ces grands rassemblements tient pour moi d’un compromis entre la programmation et le réseau qu’on peut y tisser« , poursuit-il. Les villages pros où se réunissent les gens du métier en constituent souvent d’ailleurs le centre névralgique. Alex Stevens a par exemple rencontré à EuroSonic un organisateur du Melt Festival qui se déroule en Allemagne le même week-end que Dour.  » Depuis trois ou quatre ans, nous programmons une petite dizaine de groupes ensemble. Nous faisons des offres communes pour attirer les artistes. Entre organisateurs, nous discutons aussi beaucoup de ce qui se passe dans nos pays respectifs. Notamment en matière de gestion écologique. On parle toilettes sèches, gobelets réutilisables… Puis, on découvre aussi que tel ou tel groupe s’apprête à sortir un album et tournera pendant l’été.  » Que l’un ne vaut rien sur scène, que l’autre exige ailleurs tel cachet.  » Avec ce genre d’événement, les rencontres se déplacent d’un bureau à un bar ou une table de restaurant. Cela change la philosophie de travail.  »

Vitrine et écrémage

Dans les festivals défricheurs, les groupes ne touchent souvent pas assez d’argent pour couvrir leurs frais… Plus ces événements ont de crédit (et donc normalement de retombées), moins ils donnent de pognon. A EuroSonic, les artistes sont hébergés mais ils jouent gratuitement. Il ne faut pas pour autant s’étonner que Ghinzu, Sharko et les Girls in Hawaii aient décidé de s’y arrêter.  » Les Girls ont du succès en Belgique francophone et en France mais leur nom ne signifie pas grand-chose aux Pays-Bas et dans nombre de pays européens, relativise Philippe Decoster de 62TV. L’Angleterre, je m’en cale. Il s’agit d’un gros marché et d’un rêve pour beaucoup de groupes. Mais y tenter un truc nécessite beaucoup d’investissement. Souvent pour pas grand-chose. Par contre, EuroSonic accueille beaucoup d’Allemands, de Scandinaves. On y part en quelque sorte à la pêche aux programmateurs, distributeurs, journalistes. »

Il ne suffit pas, toutefois, de laisser venir le poisson. Il faut l’appâter.  » Il y a deux types de plans, explique JF, manageur d’Hollywood Porn Stars et de l’Experimental Tropic Blues Band. Soit ton groupe tire son épingle du jeu, se fait remarquer. Nous avons trouvé de la sorte un tourneur italien pour Hollywood. Soit, dans la plupart des cas, il s’agit d’un travail de longue haleine. A la fin de la soirée ou quand on rentre à la maison, les groupes me demandent: alors, à qui tu nous as vendus? Ce n’est pas aussi simple et immédiat que ça. On rencontre beaucoup de monde lors des concerts et des afters. On échange nos cartes. On glisse un CD. On boit un coup. Puis, on essaie de garder le contact. Même si beaucoup de gens sont accessibles et si l’esprit est résolument bon enfant, la compétition reste omniprésente. »

Il faut donc se faire un nom pour attirer les bonnes personnes au bon endroit, utiliser de manière prolifique le répertoire mis à disposition. Plus les groupes sont petits et plus la tâche évidemment est compliquée. Les artistes peuvent compter sur le soutien de bureaux d’export comme Wallonie-Bruxelles musiques.  » Pour nous, mieux vaut jouer devant cinq professionnels que devant cent personnes. Cela peut déboucher sur un label, une date de concert et une interview, expose François Defossez de WBM. Pourquoi ces festivals rencontrent-ils tant de succès? Parce qu’ils servent d’écrémage. Parce qu’on dénombre plus de groupes aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix ans. Et parce que ces groupes cherchent des endroits où jouer. »

Eurosonic

: à Groningen (Pays-Bas).

Quand: du 15 au 17 janvier.

Principe: arrêtons d’aller chercher ailleurs ce qu’on peut très bien trouver chez nous. Eurosonic prône la libre et large circulation des groupes européens au talent émergent. Chaque année, il accueille environ 200 artistes encore méconnus dans de petites salles, clubs et bars.

A lancé: Franz Ferdinand, The Kooks, The Do, Lykke Li…

www.eurosonic.net

SXSW

: à Austin (USA).

Quand: du 18 au 22 mars.

Principe: South by Southwest, c’est la grande foire de la musique indé, l’Amérique dans toute sa démesure. Une ville, 5 jours, 60 salles, 1 400 groupes, quelque 12 000 professionnels. Puis des concerts à l’arrache dans des contextes farfelus: sur des ponts, dans des magasins, des stations-services et des jardins, entre le bar et le barbecue.

A couronné: Clap your hands say yeah, Arcade Fire, Cold War Kids, Bon Iver, Fleet Foxes…

www.sxsw.com

The Great Escape

: à Brighton (Angleterre).

Quand: du 14 au 16 mai.

Principe: le Great Escape, dit le Times, invite l’industrie britannique à prendre sa pelle et son seau et à se rendre à la mer dans son éternelle quête de next big things. Brighton accueille en trois jours et 34 lieux environ 300 groupes d’Angleterre et d’ailleurs. Le Great Escape est sans doute, en Europe, le leader européen du festival showcase.

A éclairé: Gossip, Klaxons, Dan Le Sac vs Scroobius Pip, Metronomy, Friendly Fires.

www.escapegreat.com

Spot

: à Aarhus (Danemark).

Quand: du 21 au 23 mai.

Principe: en 2005, le ministre de la Culture Brian Mikkelsen qualifiait le Spot de plus important événement musical danois. Des réseaux s’y nouent, des exportations s’y jouent. Multipliez la Boutik rock par dix, vingt, cent… Et vous aurez une idée de cette jolie vitrine pour la musique scandinave et plus particulièrement danoise.

A exporté: Sigur Rós, Kaizers Orchestra, Mum, Mew.

www.spotfestival.dk

CMJ

: à New York (USA).

Quand: du 20 au 24 octobre.

Principe: le CMJ Music Marathon and Film festival, c’est le pendant de South by Southwest sur la côte Est. Plus rapidement sur la balle encore que son cousin texan, il fait vibrer tout New York au son du rock, de l’électro, du hip-hop, du métal et du jazz. En chiffres: 1 200 artistes, 120 000 fans, plus de 75 salles, clubs et cinémas.

A dévoilé: REM, Red Hot Chili Peppers, Beastie Boys, Nirvana, Green Day, Vampire Weekend, MGMT…

www.cmj.com/marathon

Les Trans Musicales

: à Rennes (France).

Quand: début décembre.

Principe: compromis entre le rassemblement de pros et le festival festif et grand public, les Trans accueillent quelques-unes des stars de demain. Et ce majoritairement, et malheureusement, dans de grands halls depuis qu’elles font des infidélités au centre-ville. Les noms les plus établis de 2008? Birdy Nam Nam et Black Angels…

A révélé(en Europe): Noir Désir, Mano Negra, Lenny Kravitz, Ben Harper, Björk, Jamiroquai…

www.lestrans.com

Texte Julien Broquet

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