« Je dis VAGIN parce que je crois que ce qu’on ne dit pas devient un secret, et dans les secrets, souvent, s’enracinent la honte, la peur et les mythes. Je le dis parce que je veux un jour arriver à le dire sans gêne, sans honte et sans culpabilité. Je dis VAGIN parce que j’ai lu les statistiques: partout dans le monde les vagins endurent des mauvais traitements -500 000 femmes violées chaque année aux seuls Etats-Unis, 100 000 000 de femmes dans le monde ayant subi des mutilations génitales, violences sexuelles contre des petites filles, persécution des lesbiennes, harcèlement sexuel, terrorisme à l’encontre de la liberté de reproduction, et ainsi de suite… »

Ça restera un phénomène culturel. L’une des oeuvres les plus marquantes des années 90. Et pas seulement pour les féministes. Succès à Broadway puis dans le monde entier (la pièce a été traduite en une cinquantaine de langues et interprétée dans plus de 130 pays), Les Monologues du vagin, pièce libératrice et jouissive, fait tomber l’un des derniers tabous, celui de la sexualité féminine, et donne la parole aux minous, aux foufounes, aux pioupious, aux nénettes pour mieux raconter leurs propriétaires. Partager leurs fantasmes et craintes les plus intimes. Ce qu’elles subissent, ce qu’elles endurent, ce qu’elles pensent. Ce qu’elles sont aussi…

Pour lire et écrire sur les lèvres, la dramaturge américaine Eve Ensler a récolté les témoignages de plus de 200 femmes. Mamans, enfants, PDG, dactylos, prostituées, Asiatiques, Bosniaques… Des entretiens qu’elle a compilés pour mieux parler avec force et subtilité, sérieux et humour, tendresse et impertinence, de protections hygiéniques, d’inondation, d’accouchement, d’odeurs, de poils, de rendez-vous chez le gynécologue, de viol et d’excision… Le vagin, outil de responsabilisation de la femme et ultime incarnation de l’individualité.

« A l’origine célébration du vagin et de la féminité, la pièce est devenue un mouvement pour stopper les violences faites aux femmes« , remarquait déjà Ensler en 1998. C’est que l’argent rapporté par ses Monologues lui a permis de créer la fondation V Day, association engagée dans la défense des femmes victimes de violences. L’an dernier, l’infatigable activiste a encore mis sur pied l’événement One Billion Rising, invitant les citoyens du monde à danser pour y mettre fin.

Si en 2004, les autorités chinoises ont interdit des représentations de la pièce à Shanghai et à Pékin, en 2012, neuf eurodéputées issues des quatre principaux groupes politiques confondus l’ont interprétée pour dénoncer des chiffres effarants: une femme sur trois dans le monde, selon l’ONU, sera violée, battue, tuée ou victime d’inceste au cours de sa vie… « Le patriarcat est un problème global. Cette cause transcende les religions, les classes sociales, les frontières. Ceux qui participent en ont marre, ils veulent que cela s’arrête, ils veulent l’égalité« , déclarait récemment Ensler dans Elle. « Probablement la pièce de théâtre politique la plus importante de sa décennie« , résumait en son temps le New York Times.

J.B.

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