Avec Mr Nobody, Jaco Van Dormael signe un film pluriel, un conte foisonnant explorant de multiples possibles pour interroger le sens de l’existence. Bienvenue à bord…

Dire de Mr Nobody, le troisième long métrage de Jaco Van Dormael, qu’il était fort attendu relève de l’euphémisme. Treize ans de silence cinématographique – Le huitième jour, c’était en 1996, il y a donc un siècle! -, voilà en effet qui n’est guère courant, même s’il y a quelques précédents, et pas des moindres. S’agissant du cinéaste belge, c’est là le temps qu’il lui aura fallu pour réaliser son film le plus ambitieux et le plus inventif à ce jour. Non sans, dans sa manière et ses questionnements mêmes, apparaître comme la somme de son cinéma – il y a dans Mr Nobody des réminiscences aussi bien de E Pericoloso Sporgersi, court métrage réalisé il y a plus de 25 ans déjà, que de Toto le héros, l’authentique joyau qui révélait son talent singulier en 1990.

Les aiguillages de la vie

Se déroulant dans un monde futur, Mr Nobody retrace l’existence de Nemo Nobody (Jared Leto, habité), ultime mortel qui, à l’âge de 118 ans, tente d’en rassembler les souvenirs. Et de dérouler le fil d’une vie se déclinant en une multitude de possibles dès lors qu’enfant, il décide, sur un quai de gare, d’accompagner sa mère ou son père. De ce choix initial en découleront quantité d’autres, comme autant d’aiguillages différents que Van Dormael, fort du principe que toutes les vies méritent d’être vécues, entreprend d’explorer. Voilà pour la matrice d’un film dont le cadre explose d’entrée pour ensuite ne cesser de s’élargir, superposant, dans un montage éclaté, les destins parallèles de Nemo. Soit une mécanique spéculative qui ajoute à la théorie du battement d’ailes du papillon, la logique du tourbillon, pour balader le spectateur au gré de chemins innombrables, tous essentiels même si parfois de traverse. Et peuplés de rencontres furtives ou décisives – à commencer par les 3 femmes de la vie de Nemo, incarnées par Diane Kruger, Sarah Polley et Linh-Dan Pham, qui viendront chacune l’infléchir dans un sens distinct.

Placé sous le sceau de l’imagination et de la poésie, le voyage que nous propose Jaco Van Dormael s’avère, en dépit de quelques longueurs, rien moins qu’enivrant. Entre audace narrative et fantasmagorie visuelle, voilà une £uvre dont la facture détonante ouvre sur un kaléidoscope d’émotions et de sentiments en même temps qu’elle brasse des concepts d’une belle et profonde densité. Fable philosophique questionnant le hasard comme les choix que nous posons, ou ne posons pas, Mr Nobody donne forme à nos interrogations quant au sens de l’existence. Soit un précis de l’incertitude, doublé d’une invitation irrésistible à laisser vagabonder son imaginaire avec celui d’un Van Dormael rarement aussi inspiré. Et dont le film gigogne impose sa mélodie originale de manière entêtante, à l’instar de celle d’un Mr Sandman venu lui donner des contours résolument célestes. A voir, et à revoir, tant l’adjectif inépuisable semble prendre ici tout son sens…

Mr Nobody, De Jaco Van Dormael. Avec Jared Leto, Sarah Polley,

Diane Kruger. 2h17. Sortie: 13/01.

www.mrnobody-lefilm.com

Jean-François Pluijgers

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