Le réalisateur de Cosa voglio di più captive avec une plongée très réaliste dans la vie d’une femme en couple s’éprenant d’un autre homme. Une fiction intense et très documentée.

A 52 ans, Silvio Soldini est une des valeurs sûres du cinéma italien. Né à Milan mais à moitié suisse (sa famille venant du Tessin), ce metteur en scène épris de réalisme et d’humanité s’était révélé en 1990 avec L’Aria serena del Ovest, avait confirmé 3 ans plus tard avec Un’anima divisa in due, mais avait dû attendre 2000 et le triomphe de Pane e tulipani pour accéder à une notoriété majeure. Resté modeste et cultivant un esprit artisanal, Soldini nous a encore beaucoup émus avec Giorni e nuvole (2007) avant de nous offrir aujourd’hui Cosa voglio di più, passionnante chronique d’une liaison extra-maritale vécue dans l’urgence et la frustration.

Votre nouveau film pousse votre style réaliste vers une profondeur encore accentuée, dans une forme aux accents parfois quasi documentaires. Pourquoi cette approche particulière?

Je voulais immerger le spectateur dans la réalité des personnages, ces trentenaires pris par une existence sociale ordonnée, conformiste, et que l’irruption du désir, de la passion amoureuse, trouble et perturbe intensément. Il fallait que je sois très près d’eux, comme si j’étais témoin de ce qui leur arrive et qu’ayant emmené une caméra avec moi, je me mettais à les filmer comme dans l’urgence, pour témoigner. Comme si la vie, les gens, les situations, exigeaient d’être enregistrés. Comme si le sujet du film se choisissait lui-même et que je n’étais là que pour y réagir. D’où la caméra portée à l’épaule, le style ultra direct, l’obligation d’être vrai à chaque seconde.

Comment vous est venue l’idée de Cosa voglio di più?

D’une histoire vécue, racontée par une amie qui travaille dans un bureau comme Anna dans le film. Cette anecdote à la fois presque banale -coup de foudre et passion peuvent frapper chacun d’entre nous à n’importe quel moment- et pourtant singulière -car chacun vit cela de manière intensément personnelle- m’a semblé indiquer le chemin d’une plongée passionnante dans ce que sont le couple et l’intimité aujourd’hui. Beaucoup de couples font vie commune sans être mariés, avoir des enfants n’est plus vécu par nombre de femmes comme une chose essentielle… Tout cela devrait rendre plus libre, mais en même temps, la présence de l’autre, le poids des responsabilités, restent des éléments majeurs qui limitent cette liberté. Et puis il y a les technologies modernes, ces téléphones portables par exemple, qui font entrer la liaison, l’adultère, dans le quotidien à chaque instant où se produit un appel, où arrive un texto, où un enfant décroche le gsm de son père…

Cela faisait longtemps que vous n’aviez plus tourné de film à Milan, votre ville natale…

17 ans! J’ai très vite compris que ce film-ci devait être tourné à Milan. Cosa voglio di piùreflète non seulement les changements que vivent les personnages, que vit une génération, mais aussi ceux qui transforment le paysage urbain. Les parcours d’Anna, qui vit dans la banlieue milanaise et gagne quotidiennement le centre en prenant le train, ouvraient la voie à une exploration des rapports entre la ville et sa couronne où vivent aussi, à différents endroits, les parents d’Anna et son amant Domenico. Il fallait saisir un paysage en mutation, avec ses centres commerciaux géants, ses chantiers dont le nombre explose.

Pourquoi avoir choisi le format cinémascope?

Parce que c’est le plus large, et en même temps celui qui permet bien sûr de filmer idéalement les grands espaces, mais aussi de s’approcher au plus près des personnages (comme l’a démontré en premier Sergio Leone dans ses westerns avec ses super gros plans de visages, de regards). Combiné à un tournage caméra à l’épaule, cela donne une proximité particulière qui permet de faire vivre les choses de l’intérieur, but essentiel de Cosa voglio di più. J’ai choisi des interprètes à la fois très talentueux et aussi très réels, des gens qu’on pourrait rencontrer dans la vraie vie. Et j’ai opté pour une approche où nous entrons dans leur vie, et restons chevillés à eux. Jusque et surtout dans les scènes de sexe, qui sont les plus difficiles à tourner et dont je voulais que le spectateur les vive avec eux, non comme un observateur mais comme un participant… l

Rencontre Louis Danvers

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