Ça frise le réflexe pavlovien. Quand le ciel nous tombe sur la tête, on court se réfugier dans les salles de cinéma. En 1929 déjà, alors que des traders criblés de dettes se jetaient par les fenêtres, le petit peuple épongeait son vague à l’âme avec des kilomètres de pellicule. Quatre-vingts ans plus tard, si ce n’est pas la même sérénade, ça y ressemble fort. En 2008, la crise est venue doucher les minces espoirs de rédemption. Et hop, quelques mois plus tard, les exploitants de salles affichent un sourire éclatant. Du moins en France et aux Etats-Unis. Pas sûr en effet qu’en Belgique, le bilan soit aussi présentable. Mais faute de chiffres, on ne pourra en avoir le c£ur net. Chez nos voisins français, les tourniquets des complexes n’ont en tout cas pas chômé avec plus de 178 millions d’entrées sur les 11 premiers mois de 2009 (+ 4 %). Et ce sans adjuvant Ch’tis, lequel avait à lui seul permis de sauver les meubles en 2008. Même topo de l’autre côté de l’Atlantique. à croire que si on rogne sur la plupart des dépenses, on épargne le budget cinéma. Histoire sans doute de s’offrir malgré tout quelques moments d’évasion. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce sont les grosses cylindrées américaines qui mènent le bal. Les Age de glace 3, Transformers 2 ou Harry Potter (combien déjà?). Bref, pas vraiment du jus de crâne même si certains blockbusters distillent en douce une ironie et une morale gonflées à l’hélium – Up justement est un modèle dans le genre. Champagne pour tout le monde alors? Pas si vite. Les films d’auteur, même nerveux et auréolés comme Un prophète, restent très loin des performances des poids lourds. Et pourraient donc être broyés par un système où les multiplexes, plus préoccupés par le rendement des produits en rayon que leur saveur gustative, font désormais la loi. Le nouvel âge d’or aura-t-il dès lors un goût prononcé de Hollywood chewing-gum? Peut-être pas. Le Net regorge d’initiatives qui mettent à l’honneur la créativité et le patrimoine cinématographique. Comme ce bar virtuel où l’on peut siroter des scènes de Bergman ou Fellini « au verre » (www.vodkaster.com), ou cette caverne d’Ali Baba où s’amoncellent 2 000 trésors, souvent inédits, du monde entier (www.theauteurs.com), ou encore cette nouvelle plateforme – belge pour le coup – de VOD mêlant courts et longs métrages, documentaires et films d’animation triés sur le volet (www.universcine.be). Un joli pied de nez à ceux qui voyaient dans la Toile le deuxième clou du cercueil du cinéma (le premier étant le DVD). Pour joindre le geste à la parole, la semaine prochaine, nous avons invité Jaco Van Dormael en cuisine à l’occasion de la sortie de Mr Nobody. Il a mis son grain de folie dans la préparation de ce numéro très spécial. Qui ne ressemblera à… personne.

Par Laurent Raphaël

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