érotisme et cinéma de Gérard Lenne embrasse le sexe à l’écran dans un mélange de rigueur et de volupté. Un ouvrage de référence, en prise également sur les mutations de la société.

Sobrement baptisée Erotisme et cinéma, cette somme de Gérard Lenne (la quatrième édition, entièrement actualisée, d’un ouvrage paru pour la première fois en 1978 sous le titre Le Sexe à l’écran) aurait aussi bien pu s’intituler Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander, voire encore L’empire des sens, soit deux des films que l’auteur ne se fait faute de citer dans ce qui s’apparente à une authentique bible du genre. Un travail à ce point considérable que, n’était le contexte, on n’hésiterait guère à l’assimiler à celui d’un bénédictin.

Imposant, l’album l’est en effet d’abord par la masse d’informations qu’il regroupe. Avec quelque 2000 références filmiques, et le quart environ de documents iconographiques d’exception, voilà un livre qui dresse un panorama sans équivalent de la représentation du sexe à l’écran. Le tour d’horizon est éclectique si pas exhaustif, qui conduit le lecteur de Baby Doll en Antichrist; de Galia en Bananes mécaniques; de Voyage aux Pyrénées en Sex: the Annabel Chong Story, autant de stations relevées au hasard d’un parcours qui en compte d’innombrables, envisageant l’écran érotique dans la perspective la plus large, et ressortant aux genres cinématographiques les plus divers, à l’abri de tout préjugé . Au-delà de la valeur d’inventaire, s’y déploie, analyse de films à l’appui, une réflexion passionnante et richement argumentée embrassant encore, au-delà de son objet cinématographique même, l’histoire de la sexualité en même temps que celle des mutations de la société. Cela, suivant un postulat affirmé d’emblée par l’auteur: « Quelle soit érotique ou non, la nudité à l’écran est un point de repère utile pour mesurer les progrès de la permissivité, leur rapidité et leur relativité. »

Le cinéma en baromètre de l’évolution des m£urs, l’ouvrage s’y attèle d’emblée à travers l’exemple de The Kiss. Réalisé en 1896, le court métrage reproduit en gros plan le premier baiser cinématographique. Et provoque, dans la foulée, un beau scandale, en même temps que les premières velléités de censure – une censure dont cet album retrace l’historique par le menu, sous diverses latitudes, américaine et française en particulier. C’est là, parmi d’autres – nudité, perversions, sacralisation et désacralisation de l’érotisme, sociologie sexuelle du cinéma et cinéma X -, l’un des six thèmes explorés en profondeur, en une approche transversale qui fait, autant que l’érudition gourmande de l’auteur, le prix de ce volume. Appréhendant de façon compréhensive le sexe à l’écran, Erotisme et cinéma déborde ainsi joliment le seul cadre de nos fantasmes de celluloïd, pour s’ériger aussi en miroir de la société. S’agissant notamment de la nécessité de cette mise à jour, et en réponse à la question « Où en sommes-nous? », Lenne peut écrire, sans danger d’être contredit: « Le cinéma s’est conformé à une évolution de la société dans le sens du « politiquement correct », constat étayé, du reste, par divers exemples. Une mise en perspective qui, assortie d’une précision d’orfèvre, contribue à faire de cette somme un ouvrage de référence, que l’auteur, dans un élan généreux, ponctue par la présentation en images des 12 scènes les plus sensuelles du cinéma. Forcément subjectif, le choix traduit aussi une certaine exaltation – ainsi, face au nu de Bardot dans Le Mépris, Gérard Lenne évoque-t-il la « Caresse d’un travelling unique, liturgique. On se frotte les yeux, on reste bouche bée. » Histoire, si besoin en était, de nous rappeler qu’en tout cinéphile, il y a un fétichiste qui sommeille…

érotisme et cinéma, de Gérard Lenne, Éditions La Musardine, 384 pages.

Texte Jean-François Pluijgers

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