Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ENTRE VIRÉE TIBÉTAINE, PIANO DÉNUDÉ ET RÉMINISCENCES DE SES BO POUR WERNER HERZOG, LE DÉFUNT CRÉATEUR DE POPOL VUH EST COMPILÉ EN ZEITGEIST COSMICO-ONIRIQUE.

Florian Fricke

Triple CD/DVD « Popol Vuh Kailash »

DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

8

On croise Popol Vuh en 1972 via la BO du film de Werner Herzog, Aguirre, la colère de Dieu, saga hallucinée racontant l’expédition au XVIe siècle de conquistadors espagnols dans l’Eldoradosupposé gavé d’or d’Amérique Latine. Tourné au Pérou, ce trip movie révélait à la fois le maniaque comédien Klaus Kinski, et la musique mystico-planante d’un groupe de la Nouvelle Allemagne, Popol Vuh. Raccord à l’Amazone, décor majeur d’une dérive jusqu’auboutiste et sanguinaire. Les longs filaments de claviers avaient alors -tout début seventies- le mérite supplémentaire d’établir un lien entre les sursauts psychédéliques en fin de parcours et l’âge électro à venir. Ce double CD agrémenté d’un DVD rappelle combien Florian Fricke, mort en 2001 à l’âge de 57 ans, fut pionnier des scénarios d’exploration sonores d’une xième dimension fantasmée par le sens cyclique de l’aventure.

Florian au Tibet

Le premier CD consiste en huit pièces instrumentales d’un total de 52 minutes, jouées au piano dans un mix d’espaces à la Satie et de parfums de romantisme mozartien. Brian Eno, période aéroports, n’aurait pas détesté la plénitude assortie de ces motifs, enregistrés par Fricke, musicien de formation classique, entre 1972 et 1989. D’une certaine manière, ces pièces calmes sont le chausse-pied du second CD, musique d’un film documentaire joint sur le DVD compagnon. Avec son complice de Popol Vuh, Frank Fiedler, Fricke réalise en 1995 Kailash: Pilgrimage to the Throne of Gods, 53 minutes exploratoires de ce coin de Tibet dominé par l’Himalaya. La signature musicale est bien là: les longues digressions de mellotron et de moog se croisent et s’empilent dans une ligne de fuite sans fin, accompagnant la beauté vertigineuse des paysages et l’hypnotique rudesse d’une nature démesurée. Trip planant -comme disaient les seventies- ici agrémenté de percussions, de voix et de sons typiquement locaux qui chassent les reflets purement new age. Fricke dépasse en effet l’artificialité plastique des musiques typiques du nouvel âge, celles qui accompagnent votre quart d’heure de yoga ou la consommation de yaourt surgelé à Brooklyn. Sans doute parce que les velléités cosmiques de ce musicien, son appétit pour les aventures filmiques -Popol Vuh composera une demi-douzaine de BO pour Herzog- donnent vraiment un autre grain à la musique, un autre karma électronique. Ce mini-box est une invitation agréable à en redécouvrir les émanations.

PHILIPPE CORNET

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