APRÈS LA SORTIE DE SON 11E ALBUM SOLO, DOGGUMENTARY, NOUS AVONS PU RENCONTRER, EN EXCLUSIVITÉ, L’UN DES CADORS DU RAP AMÉRICAIN. SNOOP DOGG, YEUX DANS LES YEUX. OU PRESQUE.

Amsterdam, comme un jour sans pain. Il est 13 h 30. On nous annonce la bête à 15 h. Puis à 15 h 30. Puis à 16 h 30. Alléluia, grimpette au 6e étage, entièrement loué par le complice à Dre. Pour un siècle encore, les murs du couloir sentiront la beuh. Chouette odeur, pas de souci, mais comme on se l’imaginait, Snoop à Amsterdam, c’est Alice au pays des merveilles (licites). L’attente se poursuit. Avant le sésame, qui s’ouvre, enfin. Chassé-croisé de journaleux, Snoop salue le confrère de P Magazine et ça y est: en un contre un, on va pouvoir lui réciter le questions-réponses de l’année. Sauf qu’à peine entre-aperçu, le Dogg file dans la suite attenante, abandonnant seulement quelques cendres herbacées sur un magazine d’hôtel. Et l’attente recommence, seul dans une chambre, avec vue imprenable sur les chantiers d’Am-sterdam. Dix minutes, puis 20. Puis 30. Légèrement entrouverte, la porte de la suite laisse heureusement échapper quelques sons reconnaissables, histoire d’adoucir une solitude de plus en plus amère. Au programme: l’instru d’ I know what you want, de Busta Rhymes et Mariah Carey, en boucle, façon menu de DVD. Puis un freestyle gratis prodeo de Snoop, des coups de téléphone, une interrogation agacée ( « Qu’est-ce qu’il me reste à faire? » « Juste un mec à côté, puis les Allemands et les Hollandais. « ), des joutes PlayStation, l’improbable résonnance de J’ai la haine, par Gad Elmaleh et Dieudonné. Une heure. Une heure et demie. L’attachée de presse s’empourpre, il est 18 h 30: « Je crois qu’il ne va pas le faire. Il est complètement stoned et il ne veut plus faire d’interviews. «  Pétage de plombs.

Retour dans le couloir où Snoop déboule, veste en cuir, lunettes noires et bonnet Kodak, celui d’on a volé nos couleurs. Visiblement énervé le bonhomme, long comme un fil de pêche, des espèces de boucles d’oreilles mystérieuses plaquées aux tresses. Plan B, pas d’interview solo, un round-up à plusieurs, avec des Allemands et des Hollandais aussi fans qu’agacés. Retour dans la chambre de torture. « Il va le faire », assure l’attachée de presse, des gouttes sur la tempe. A côté, ça continue à jouer à la PS: « Common’ Kobe », entend-on, en plein small talking de patience. Et là, ça parle Ben Laden, Afghanistan et tout. Pfff. Toujours rien. Puis enfin, 19 h 40, les yeux collés aux lacets, monsieur Who am I fait son apparition, aussitôt poussé à l’accolade par un confrère hollandais, complètement obsédé par la collaboration Snoop-Bootsy Collins sur Doggumentary. Faudra imposer ses questions, en 15 minutes. Pas évident. Exemple: « 21 chansons sur l’album, ça veut dire que Snoop a encore faim, qu’il a encore plein de choses à exprimer? » Réponse téléguidée, la tête dans le sol:  » J’ai voulu me sentir jeune à nouveau. C’est un état d’esprit, l’envie de faire un album au sujet duquel je me sente bien, au niveau des chansons, des concepts, de la production. J’ai suivi le mouvement en studio, et il en est ressorti 21 chansons. «  Question suivante. Sur ses featurings. « Quand je t’admire, j’essaye d’entrer en contact avec toi et de travailler avec toi. «  Et ainsi de suite. Bof, pilote automatique.

Accouplement sonore

Faut se battre pour attirer son attention. Alors on sort la carte David Guetta, après des tentatives relativement avortées sur le thème du frat pack hip hopiste, cette génération en or du rap américain, les 1968-1972 qui, de Snoop à Timbaland, en passant par Jay-Z, Eminem, Missy Elliot, Busta Rhymes et quelques autres légendes ont transformé le hip hop en pop. Rien, ou presque. Par contre, au sujet du Playmobil français de la house, ça vient. Sur la version vieille Europe de l’album, Guetta a vampirisé le Wet originel en une horrible bouillie rebaptisée Sweat. « La musique, c’est la musique. Ici, en Europe, vous faites des sons qui dépassent parfois de loin ce qu’on fait aux Etats-Unis. C’est pour ça que tant d’Américains viennent emprunter vos styles, avec la techno notamment (Qui est pourtant… américaine d’origine, ndlr) . Parfois, le hip hop ne marche plus, alors il faut aller vers la techno pour que les choses fonctionnent.  » D’où l’accouplement sonore avec Guetta? En pleine réponse, Dogg darde finalement son regard batracien dans le nôtre. Là, ça fait bizarre. « Oui. David Guetta, en réalité, a entendu ma chanson Wet . Et m’a dit qu’il voulait la remixer. Quand j’ai entendu le remix, je me suis dit qu’il était vraiment fort, c’est pour ça que j’ai préféré que cette version apparaisse sur l’album européen, et pas la version d’origine. Parce que j’ai compris ce que le marché réclamait, et cette version est plus connectée avec les attentes des gens, avec les sommets. Et voilà, on y est, on est numéro 1.  » Vérification: « Vous l’aimez vraiment, cette chanson? » Confirmation : »Je l’adore! » Perplexité: « Vraiment? Quand on entend l’album, on se dit qu’il est cool, smooth et classe. Puis en tombant sur le remix de David Guetta, on se dit que Snoop a encore besoin d’argent et de popularité. C’est juste pour le public européen? » Confession: « C’est exactement ce à quoi cette chanson est destinée. Je ne jouerais jamais cette version aux Etats-Unis, parce que ça a été fait pour mon public européen. C’est un hit instantané, c’est un son qui coule dans ses veines. Au fil du temps, quand tu tournes partout avec tes chansons, et qu’elles marchent, tu te dis parfois: les gars, je vais vous donner un truc qui va vous montrer ma gratitude et mon amour. Je suis une montagne russe dans mes concerts je monte, je descends. Tu devrais venir voir un de mes shows un jour.  » Si tu arrives à l’heure un jour, pourquoi pas…

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TEXTE GUY VERSTRAETEN

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