Hippies, chaman et aventures incongrues peuplent la vie bohémienne de Larkin Grimm. Une incroyable folkeuse de 27 ans libre dans son corps et dans sa tête. A découvrir au club de l’AB le 18 mai.

Michael Gira a plus d’une corde à son arc. Cupidon de la musique, Robin des bois du folk, l’ex-Swans tire de loin, tape souvent dans le mille et fait naître des passions dévorantes. Comme Devendra Banhart, lui aussi découvert sur son label Young God, la grande Larkin Grimm est une artiste talentueuse, atypique, improbable et haute en couleur. En 1969, reine de beauté, sa mère s’enfuit pour Wood-stock en stop et part s’installer à San Francisco. Fini le maquillage, les tenues sexy, elle s’occupe d’enfants, garde le gosse d’un Grateful Dead et entre dans une communauté utopique, spirituelle et urbaine de hippies. « C’est là qu’elle a rencontré mon père, conte Larkin au Printemps de Bourges. Papa était chanteur d’un groupe psychédélique. Il baignait dans le lsd, du temps où il était encore légal, et avait décidé de se racheter une conduite après avoir écrasé un écureuil. Accident qui l’avait particulièrement ébranlé. »

Le coup de foudre, c’est bien beau mais au sein du Holy Order of MANS, habité par différentes croyances et pratiques spirituelles, personne n’est supposé entretenir de relations sexuelles. Petite deuxième, Larkin voit pourtant le jour à Memphis en 1981. Ses parents sont pratiquement les premiers de la communauté à s’être mariés et à avoir eu des enfants. Des enfants rois.

 » Les adultes traitaient les gosses avec un incroyable respect. Ils nous demandaient régulièrement conseil. Se disaient que s’ils voulaient échapper à l’inquiétante évolution de la société, ils devaient nous écouter. Ils s’attachaient à l’idée folle d’appeler des esprits ancestraux pour qu’ils se réincarnent dans leur progéniture. Alors forcément…  »

A la suite du Jonestown Massacre, The Holy Order of MANS, infiltré par la CIA, commence à se déchirer. « Ses membres avaient peur de la prison, d’être blacklistés, de ne plus jamais trouver d’emploi. «  Larkin a 7 ans. Elle est frappée de plein fouet par la cruauté du monde. « Nous avions l’habitude de nous soigner avec l’amour, l’optimisme, le bonheur mais le crack a commencé à remplacer la cocaïne et la marijuana dans les quartiers. Le gouvernement approvisionnait. Espérant ébranler le mouvement Black Panthers. »

On est à la fin des années 80. La première ère Bush. Les rues pauvres, noires, peu éduquées se transforment en coupe-gorge. « J’ai même vu un type se faire abattre devant notre porte. »

La famille Grimm déménage. Elle part s’installer dans un quartier blanc des Appalaches. Avec seulement 3000 dollars en poche « gracieusement » offerts par la Communauté. « Pour gagner du fric, mon père jouait des reprises de Lynyrd Skynyrd enfermé dans une cage sur laquelle les clients jetaient leur bière. Comme dans Roadhouse avec Patrick Swayze. Ma mère, elle, nous éduquait, nous apprenant à lire et à écrire. »

Barbara Bush et Britney Spears

Quand elle entre à l’université, à Yale, Larkin Grimm réalise qu’elle est différente des autres étudiants. De par son monde, sa culture… « J’étais invitée dans les soirées. J’ai même participé à une naked party avec Barbara Pierce Bush (ndlr, l’une des deux filles de Georges W. Bush) . Mais on me voyait surtout comme une fille bizarre, originale, un peu cinglée. » A la recherche de calme et de solitude, elle s’enfuit en Alaska et, au milieu des montagnes, rencontre une chaman qui lui sauve la vie. Et lui permet d’accéder à des niveaux de conscience qu’elle ne soupçonnait pas. « J’ai tout de suite trouvé ma vocation. Réalisé que je devais chanter. En chantant, j’avais l’impression de pouvoir communiquer avec tout ce qui m’entourait. Le ciel, la terre, ceux qui ne parlent pas anglais… J’avais trouvé un langage magique. Universel. »

Larkin passe un mois dans les bois avec sa guide spirituelle. Retourne à Yale terminer ses études – « j’ai juste refusé de passer le tout dernier examen. Je ne voulais pas du diplôme. Une question de principe. » – et enregistre des CD pour ses amis. La globe-trotteuse organise des concerts chez elle. Puis, en 2004, monte un festival de trois jours au beau milieu des bois avec Lightning Bolt, les Magik Markers.

 » Il n’y avait que 250 ou 300 personnes mais l’atmosphère était extraordinaire. Certains se sont mariés après s’y être rencontrés. Moi, j’ai réalisé avec tous ces musiciens autour de moi ce que je voulais vraiment faire. Un mélange de noise expérimentale et de folk traditionnel. »

L’Américaine commence à penser en termes d’album. Elle enregistre partout. Dans les champs, les loges, les bois. « Au début, je me disais qu’il n’y avait pas de place pour moi dans l’industrie du disque. Puis, j’ai entendu les premières chansons de Devendra Banhart et j’ai contacté Michael Gira. On a entretenu une correspondance. Mais dans un premier temps, je ne considérais pas son label assez underground et Do It Yourself pour moi. J’ai fini par changer d’avis. »

Inspirée par Jean Ritchie, la Vashti Bunyan américaine, et les folk singers des Appalaches, proche de Frida Hyvönen, Marissa Nadler, Josephine Foster, Larkin a été profondément marquée par Britney Spears au moment de composer Parplar, un splendide troisième album de folk étrange, excentrique.

 » Je pense que quand Britney s’est rasé les cheveux, elle s’est dit qu’elle ne serait plus la même qu’avant. Qu’elle ne serait plus une esclave. Je pense que tout ce qui lui est arrivé, l’hôpital psychiatrique, le retrait de la garde de ses enfants découlent en fait d’un simple besoin de liberté. Cette liberté, j’ai l’impression que le monde la punit de l’avoir voulue. Parplar est dédié aux Barbie humaines d’Hollywood: Britney, Paris Hilton, les jumelles Olsen. Ces filles qui n’ont jamais eu l’occasion de décider de leur vie. »

On pourrait encore vous parler de son premier amour, Dave Longstreth (Dirty Projectors), de ses aventures, adolescente, avec des femmes ( » à un moment, j’ai même envisagé de changer de sexe ») mais rien ne racontera aussi bien Larkin Grimm que sa musique. Fabuleuse comme son histoire.

En concert à l’ AB Club le 18/05.

Album: Parplar(distribué par Young God).

www.myspace.com/larkingrimm

Texte Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content